5 films d'horreur trop souvent oubliés
- Lily Martin
- 31 oct.
- 4 min de lecture
Les feuilles tombent, les degrés chutent ; quoi de mieux qu’un bon film d’horreur sous un plaid pour profiter d’une soirée automnale ? Au programme : 5 œuvres d’époques et de pays différents, classiques oubliés ou œuvres de niche, devant lesquels frissonner.
Les Yeux sans visages (1960)
Réalisé par Georges Franju, le film nous offre la descente aux enfers de Christiane (incarnée par Édith Scob), privée de son visage et de son identité, retenue prisonnière chez elle par un père chirurgien qui devrait relire le serment d’Hypocrate (Pierre Brasseur). En plus de l’effroi visuel causé par le masque perpétuel et fantomatique de Christiane, les opérations de chirurgie esthétique sont rarement montrées, gagnant alors en effet horrifique. Mais l’aspect dérangeant du film ne vient pas tant des scalpels et du sang que de l'enfermement de la jeune femme par la culpabilité paternelle. La vraie horreur est dans le contrôle du corps, dans des lèvres (et une parole) couverte par un masque figé. Christiane, à l’image des chiens de laboratoire de sa cave, est totalement soumise au bon vouloir de son père, peu importe le nombre d’inconnues kidnappées pour lui greffer une nouvelle vie.

Flesh for Frankenstein (1973)
C’est le kitsch qui fait le charme de Flesh for Frankenstein, chimère née de la rencontre entre un réalisateur aux idées déjantées (Paul Morrissey), une décennie psychédélique et Andy Warhol comme producteur. Sorti en 1973, le film revisite le mythe de Frankenstein de la manière la plus explicite possible : torrent d’hémoglobine, boyaux, seins, nudité, rien n’est caché. Au contraire, le film propulse les outils chirurgicaux et grimaces torturées au plus près du public qui a la chance de le voir en 3D, tel qu’il a été pensé. Les dialogues absurdes, les costumes anachroniques, l’accent à couper au couteau du casting, la surenchère des cadavres dans le laboratoire, autant d’éléments qui font de Flesh for Frankenstein à la fois un film d’horreur et une comédie. Peut-être pas de frissons garantis, mais au moins quelques éclats de rire entre amis.

Kaïro (2001)
Dans un tout autre registre, Kaïro (réalisé par Kiyoshi Kurosawa) explore l’histoire de quelques jeunes gens dans une société japonaise de plus en plus solitaire. Sorti en 2001, le film coïncide avec l’arrivée d’internet et la connexion entre les inconnuᐧeᐧs qui devait en découler. Seulement voilà, un curieux site internet devient une sorte de maladie contagieuse transformant petit à petit les personnages en ombres. Pas de screamers gratuits, pas de suspense en montagne russe, mais une mise en scène subtile qui nous plonge dans un réel sentiment d’angoisse tout au long du film ; effet renforcé par les codes d’un cinéma japonais bien différents des habitudes occidentales (en particulier dans son rapport à la mort). Malgré les années qui nous séparent de cette œuvre, les thèmes et leur manière d’être abordés sont plus que jamais pertinents, et le film colle à la peau bien après son visionnage.

L’étrange couleur des larmes de ton corps (2014)
L’étrange couleur des larmes de ton corps est une très bonne porte d’entrée dans le cinéma de Hélène Cattet et Bruno Forzani. Sorti en 2014, il s’agit du second long-métrage du duo vivant à Bruxelles. L'histoire est simple : un homme revenu de voyage cherche sa femme introuvable ; mais la narration est bien moins linéaire. Jouant sur les temporalités, les souvenirs, les hallucinations et les fantasmes, L’étrange couleur des larmes de ton corps ne facilite pas la tâche aux spectateurs et spectatrices, et ce n’est peut-être pas là l’enjeu du film. Accepter de ne pas tout comprendre, de ne pas toujours pouvoir se situer dans la trame permet de se laisser saisir par les sens, ces derniers étant surstimulés tout au long de l’enquête. Héritier du giallo(1), le film propose des couleurs, des peaux frissonnantes et des effets de caméra à tout va – mais le genre est remis au goût du jour dans le décor très local d’un magnifique appartement Art nouveau que l’on pourrait facilement imaginer à Bruxelles. Un film qui ne se regarde pas comme une œuvre classique mais se vit comme un rêve fiévreux aux couleurs d’un paon venimeux.

Les Ordres du Mal (2023)
Le dernier film de cette sélection est sans doute le plus classique dans sa forme : Les ordres du mal, réalisé par Paco Plaza, est un film abordant le thème courant au genre de l’horreur que sont les nonnes. Sorti en 2023, il s’agit d’un préquel au Verónica de 2017 ; mais les deux films peuvent se voir de manière tout à fait indépendante. Si les ressorts habituels du genre horrifique sont utilisés, le film reste du côté de la mesure . Là aussi, la terreur vient de manière subtile malgré les ressorts classiques du cinéma d’horreur. La figure de la nonne est appréhendée par l’angle du secret et des scandales protégés, ce qui est pertinent vu que l’histoire prend place dans une structure à la hiérarchie très stricte et fermée. Visuellement, l’imagerie religieuse est exploitée par une esthétique sobre, presque plaisante, en étant loin de la déformation radicale de films plus connus tels que La Nonne (Corin Hardy, 2018) ou encore les nombreux longs-métrages traitant d’exorcisme. Plus traditionnel que les œuvres citées ci-dessus, Les ordres du mal mérite le détour.

(1) : Le "giallo" est un genre cinématographique né en Italie dans les années 60, mélangeant le thriller policier, le cinéma d’horreur et l’érotisme. Il se caractérise notamment par des couleurs vives, des gros plans, des travellings et des angles de caméra inhabituels.



