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Avant Mickey 17 : Derrière les visages de Pattinson

Photo du rédacteur: Adrien CorbeelAdrien Corbeel

L'acteur britannique à l'affiche du film de science-fiction Mickey 17 de Bong Joon-ho a construit en 20 ans une carrière singulière. En attendant la sortie de ce nouveau long-métrage, annoncée pour le 5 mars, retour sur son parcours imprévisible et passionnant.

Mickey 17 de Bong Joon-Oh
© Warner Bros

Qui se cache derrière le visage de Robert Pattinson ? Propulsé sur le devant de la scène, d'abord avec le quatrième volet d'Harry Potter, et ensuite et surtout avec la saga Twilight, l'acteur britannique a sans doute un des faciès les plus connus de la planète. Mais les feux des projecteurs n’ont pas le pouvoir d’éclairer la vraie nature des gens. Celui que de nombreuses personnes considéraient comme un acteur de piètre talent a fait taire ses critiques à grands coups de choix audacieux. L'année 2013 fut charnière : on le vit à l'affiche du cinquième et dernier Twilight, mais aussi dans le Cosmopolis de David Cronenberg, où son personnage de millionnaire circulant en limousine est notamment soumis… à un examen de la prostate. Deux salles, deux ambiances. Pattinson n'est évidemment pas le premier acteur à troquer ses MTV Movie Awards pour des prix en festival (c'est aussi le cas de sa comparse à l'écran, Kristen Stewart), mais son revirement reste singulier. Plutôt que se tourner vers les rôles sérieux dans des films à Oscars pour redorer son image, c'est en grande partie par son étrangeté et son humour mordant qu'il s'est creusé une place dans le cinéma d'auteur. Collaborant avec des cinéastes prestigieux (Werner Herzog, Claire Denis) mais aussi émergents (Robert Eggers, Brady Corbet), il s'est imposé comme un acteur au nez plutôt fin.

The Lighthouse, de Robert Eggers
© A24

Mais ce qui distingue Pattinson par-dessus tout est le rapport distant qu'il entretient aux personnages qu'il incarne. Là où certain·es acteur·ices s'échinent à se dévoiler, à chercher l'authenticité dans leur performance, Pattinson semble vouloir au contraire se cacher derrière ses rôles.Les personnages incarnés par Robert n’ont jamais sa voix réelle, il change de voix à chaque film ou presque”, notait Matt Reeves, réalisateur de The Batman (1). Plus que sa versatilité, c'est son désir d'échapper à lui-même qui définit son parcours artistique. Dans plusieurs interviews, on peut l'entendre déclarer ne pas vouloir jouer des personnes qui lui ressemblent, préférant créer une séparation claire entre la scène et la vie réelle. De son propre aveu, il éprouve des difficultés avec la sincérité — un défaut chez d'autres dont il a fait sa force centrale. C'est en tout cas ce que David Cronenberg a mis en exergue en lui confiant le rôle principal de Cosmopolis. Sa performance est simultanément inquiétante et drôle, l'acteur faisant de son visage stoïque une façade troublante, en accord parfait avec le discours capitaliste et outrancier de son personnage.

Cosmopolis de David Cronenberg
© Warner Bros

C'est avec Good Time qu'il s'impose définitivement comme un acteur à part entière. Il incarne Connie, le braqueur raté du film des frères Safdie, avec une frénésie certaine : ses yeux sont sans cesse en mouvement, ses gestes portés par l'énergie du désespoir. Mais son personnage, prêt à tout (ou presque) pour se sortir de la mouise, a cette capacité à convaincre, séduire, charmer. Les traits ciselés du personnage, autour desquels se sont bâtis les premières années de la carrière de Pattinson, sont un outil parmi d’autres dans les combines et autres supercheries de son personnage. Ne vous laissez pas duper, semble nous crier l'acteur.


Si Pattinson crève autant l'écran malgré son absence apparente de sincérité et la distance qu'il entretient avec ses rôles, c'est parce que ses personnages sont eux-mêmes très souvent dans une performance : fourbe, mystérieux, introvertis, manipulateurs, etc. Même lorsqu'il incarne un personnage plus affable, comme c'est le cas dans Tenet, c'est avec le sourire sibyllin d'un homme qui en sait plus qu'il ne veut bien le dire. Cette tendance à se cacher n'est pas toujours heureuse. Affublé de lunettes et d'une barbe postiche dans The Lost City of Z de James Gray, l'acteur disparaît tellement derrière son déguisement qu'on finit par l'oublier… et son personnage aussi. Impossible en revanche d'effacer de notre mémoire sa performance dans The King ou Le Diable, tout le temps. Derrière ses accents (français et pas toujours convaincant dans le premier, sudiste et aigu dans le second), il livre des prestations hypnotiques, excessives et drôles.

Le Roi, de David Michôd
© Plan B Entertainment

À cet égard, ses prestations dans les Twilight sont somme toute fascinantes. Moqué par certain·es pour son manque d'expressivité et ses regards trop intenses, adulé par d'autres, Pattinson est devenu une idole pour son interprétation d'un personnage qu'il ne porte guère dans son cœur, mais qu'il a appréhendé comme tous ses autres rôles. « Plus je lisais le scénario, plus je détestais ce type. C'est ainsi que je l'ai joué : comme un maniaco-dépressif qui se déteste. Sans compter qu'il est vierge à l'âge de 108 ans, il a clairement des problèmes de ce côté-là », déclarait-il à The Guardian (2). Edward Cullen, le beau et ténébreux vampire, fait de son mieux pour paraître vaguement humain. Son visage est comme un rempart aux pulsions et désirs qui l'habitent, peinant à les réfréner. Au risque peut-être d'avoir l'air un brin constipé.

The Batman, de Matt Reeves
© Warner Bros

Après s'être affranchi de la franchise vampirique avec une série de films d'auteur, le choix de tourner dans un film de super-héros paraît évidemment fort commercial. Mais jouer dans The Batman constitue aussi  la continuation logique de son parcours. Quoi de plus approprié pour Pattinson que d'incarner un homme scindé en deux, qui passe le plus clair du film caché sous un costume ? Il joue un Bruce Wayne qui paraît confiant et sûr de lui lorsqu'il est derrière son masque, et profondément mal à l'aise lorsqu'il ne l'est pas. Il ressemble à un adolescent mal fagoté qui aurait passé trop d'années isolé. Sa seule sortie publique à visage découvert le voit quasi tétanisé à proximité des criminels de Gotham qu'il pourchasse pourtant sans relâche. On pourrait presque y déceler un dévoilement de Pattinson, lui qui a souvent exprimé son inconfort avec sa propre célébrité. Ou peut-être n'est-ce qu'une façade de plus.


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