Parmi les tournages les plus catastrophiques de l'histoire du cinéma, celui d'Apocalypse Now est entré dans la légende. Entre le changement de son acteur principal après plusieurs semaines de tournage, la crise cardiaque de son remplaçant, la réquisition des hélicoptères par les autorités philippines, les inondations qui ont détruit de multiples décors et la panique artistique de son réalisateur, Francis Ford Coppola, surpassé par la démesure de son propre projet, c'est un miracle que le film devint un si éclatant chef-d'oeuvre et un tel succès. Il va de soi que tout film racontant sa production ne peut être qu'intéressant. Mais Aux cœurs des ténèbres : L'Apocalypse d'un metteur en scène est bien plus qu'un making-of.
Derrière ce film passionnant datant de 1991, on trouve deux jeunes documentaristes, Fax Bahr et George Hickenlooper, mais aussi et surtout Eleanor Coppola, troisième réalisatrice. Cette dernière a accompagné son mari sur la gigantesque production d'Apocalypse Now, et l'a filmée de bout en bout. Ses images, récoltées au cours des quelque 238 jours de tournage, sont d'une extrême candeur, dévoilant le cinéaste dans toute sa mégalomanie (il compare les pouvoirs d'un réalisateur à ceux d'un dictateur), mais aussi dans son profond désarroi. Dévoré par le doute, le réalisateur du Parrain apparaît comme un artiste à bout, écrasé par l'énormité financière et humaine du projet, mais aussi par son incapacité à conclure son œuvre. Adroitement monté, le documentaire met en parallèle son périple avec le récit du film, et la longue descente vers la folie de ses personnages.
Si le portrait créé par les trois documentaristes n'est pas forcément flatteur, Aux cœurs des ténèbres exprime tout de même une vive admiration pour Francis Ford Coppola et la radicalité de sa démarche. Il apparaît surtout comme un homme en recherche, obnubilé par sa création, pas si différent d'autres artistes, si ce n'est que sa quête de sens s'opère au milieu d’une jungle hostile, entouré de centaines de personnes à ses ordres.
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