Surimpressions a eu la chance de discuter avec la réalisatrice Alexis Langlois, l'acteur.ice Gio Ventura ainsi que l'actrice Louiza Aura.

Qui étaient vos idoles de jeunesse ?
Alexis : J'ai jamais été fan de Britney Spears, mais c’est quelqu’un qui a marqué l'époque (du film, en 2005 NDLR). Elle était tellement partout, tellement énorme. Ce qui m'a beaucoup touchée - c’est sans doute son goût pour le drame, mais c’est quand en 2007 elle s'est rasé la tête et que tout le monde lui est tombé dessus. J’ai l'impression que c'est là qu'a commencé ma passion pour Britney. En même temps qu’une réflexion sur la pop culture : comment on peut aimer quelqu’un, et aimer le voir tomber ? Ce côté plaisir morbide, je trouve ça terrible. Le film raconte ça aussi à travers le personnage de Steevy Shady.
Gio : Moi c'était Gigi d'Agostino. Parce qu'il était italien et j'adorais l'écouter dans la voiture.
Louiza : Moi j'étais fan de Snoop Dogg. On avait la même coupe de cheveux, et je le trouvais trop classe. Il était hyper détendu et en même temps c'était un gangster, je trouvais ça stylé. C'est toujours le cas d'ailleurs, c'est un peu mon père spirituel.

Comment s’est déroulée la rencontre avec Bilal Hassani ?
Alexis : Quand j'ai commencé à écrire le film je passais pas mal de temps sur Youtube et je suis tombée sur la vidéo où il racontait comment les gens ont appris son homosexualité dans son collège, où ça s'est très mal passé, il s'est fait harceler, et il n'a pas été défendu par l'institution. Ça m'a bouleversée, et j'avais été touchée par la manière dont il s'adressait à sa communauté. Je me suis dit que les Youtubeurs sont les conteurs des temps modernes. Il y avait déjà la dimension du conte dans le film, mais pas de conteur. Je me suis dit qu’il faudrait que cette histoire soit racontée par un Youtubeur, donc la première impulsion de ce rôle est née de cette vidéo de Bilal. Des années plus tard, il m'écrit après avoir vu un de mes films, on commence à échanger. Et c'est grâce à Inès, ma productrice, qui m'a poussée à lui proposer le rôle - j'aurais jamais pensé qu'il accepterait. Mais finalement ça l'excitait, parce que l'univers des pop stars, ça le passionne, et il a aussi un petit Steevy en lui donc ça lui a rappelé des souvenirs (rire).
Pourquoi avoir fait le choix de tourner en Belgique ?
Alexis : Au départ c'est une raison bêtement financière. Inès ma productrice a rencontré Benoit Roland (Wrong Men) qui a adoré le projet et l'a défendu. C'était fou pcq les réactions en commission entre BE et FR c'était le jour et la nuit. Je ne sais pas si c'est le côté "exotique" lié aux queers de l’étranger, mais sur le même objet, on a eu des retours contradictoires. J'ai rencontré Drag Couenne juste avant qu'elle gagne la finale de Drag Race Belgique, et là aussi, on peut dire que je suis tombée amoureuse de son drag, je me suis dit “faut qu'on tourne avec” ! Et puis en Belgique on a rencontré plein de gens. D'ailleurs une grande partie des personnes queer de Bruxelles font partie de la figuration. J'aime pas ce mot, mais elles sont venues pour les scènes de fête, et c'était super, comme retrouver des vieilles copaines.

Avec Les Reines du drame, vous avez voulu faire un film politique ?
Alexis : Déjà la volonté de mettre des personnages queer au centre c'est politique - et aussi de leur offrir des grands récits. Aussi dans le fait d’avoir essayé de constituer une équipe au maximum queer, pas uniquement blanche… un film quelqu’un le signe certes, mais c’est une collaboration
Louiza : Au-delà du queer, il y a aussi une dimension politique dans le personnage de Mimi : elle est afrodescendante, et moi je suis racisée du coup je trouvais ça beau que la star soit une personne noire, et qu'on voie aussi le blanchiment qu'elle subit de son image. Au début elle a une afro, ensuite les cheveux lisses et blonds... Elle est de plus en plus éloignée de ses racines et de son identité pour devenir plus "bankable". On a essayé d'ajouter des éléments pour accentuer cette dimension de son identité.
Alexis : C'était pas écrit comme ça dans le scénario, et c'est vraiment la rencontre avec Louiza, qui a amené ça. Et pour moi c'est aussi ça une manière "queer" de travailler c'est-à-dire, d'être à l'écoute, et réfléchir à différentes manières de faire. Faut que ça reste dans l'identité du film, mais c'est aussi important d’accueillir des propositions et refaçonner les personnages sur base des acteurs et actrices qui vont les incarner. C'est beaucoup plus beau, finalement. Je pense que quand on choisit des acteurices, on les choisit aussi pour ce qu'iels sont. Ce ne sont pas des poupées. Même si ce sont des rôles de composition, l'idée c'est de faire se rencontrer le réel et la fiction.
Louiza : Cette dimension m'a touchée dans le personnage de Mimi, parce qu’en grandissant il n’y avait pas de filles qui me ressemblaient dans les films que je voyais. C'est vrai que j'ai grandi avec l'idée qu'être une femme c'était être blonde, grande, avec des cheveux lisses. J'avais la hantise de ne pas être ce que je devrais être, alors que j'étais juste une petite fille. C'est important de raconter qu'il y a plusieurs manières d'être une femme. En plus c'est Mati Diop qui fait la voix de ma mère ! Et ça c’est vraiment la classe.