
Qui était Leni Riefenstahl ? Une réalisatrice nazie de films de propagande ayant participé à définir l’esthétique du régime hitlérien ? Ou une génie de la technique embarquée un peu contre son gré dans le courant de l’histoire dramatique du XXe siècle ? Riefenstahl a longtemps entretenu le doute, dès la fin de la Seconde Guerre mondiale et jusqu’à sa mort en 2003 à l’âge de 101 ans. Le long-métrage documentaire d’Andres Veiel répond franchement à la question, en utilisant les images filmées par la cinéaste allemande et ses propres archives pléthoriques.
Toute la puissance du film tient dans sa capacité à dialoguer avec le fantôme de Riefenstahl. Il multiplie les mises en contradiction, montrant d’abord des interviews de la réalisatrice, puis son propre travail ou des éléments démontant la légende qu’elle tente de broder. Malgré cette posture critique, le cinéaste Andres Veiel s’intéresse profondément à son sujet, au point de montrer pour elle une certaine tendresse quand il revient sur ses plus jeunes années ou quand il jette une lumière crue sur la violence de la société allemande de l’époque – notamment en évoquant les viols et les agressions subies par Riefenstahl ou encore l’ombre de son père dominateur et maltraitant.

La cinéaste est bel et bien considérée aujourd’hui comme une grande metteuse en scène et ses œuvres sont encore largement étudiées dans les écoles de cinéma. Un film comme Le Triomphe de la volonté, pièce de propagande nazie par excellence, a fortement influencé la manière de représenter le cérémoniel militaire et on retrouve jusque dans le premier Star Wars, Un nouvel espoir, des parallèles visuels troublants. C’est sans doute avec Olympia (Les Dieux du stade), documentaire de Riefenstahl sur les Jeux olympiques de Berlin de 1936, que son ambition technique est la plus frappante.
Leni Riefenstahl aurait peut-être eu un destin différent si l’Allemagne n’avait pas sombré dans les rets du nazisme. Mais le documentaire montre qu’elle n’a jamais cessé de se considérer comme une victime. Oubliant toutes celles que ses films ont participé à discriminer ou à faire disparaître.