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Simon Lionnet

Et si Scream avait tué le slasher ?

Scream est à redécouvrir en VOD dans le catalogue de la Cinetek.


© Paramount

De la nouvelle trilogie Halloween de David Gordon Green au Massacre à la tronçonneuse de David Blue Garcia et, depuis l’an dernier, le Scream du duo Matt Bettinelli-Olpin & Tyler Gillett, les franchises de slashers des décennies précédentes signent leurs retours dans les salles obscures. Un sous-genre de l’horreur, maintes fois exploité, mais qui a peut-être atteint son sommet avec la première apparition du célèbre personnage Ghostface en 1996.


Prenez une bande d’adolescents stéréotypés, une arme blanche phallique et un meurtrier increvable. Mélangez le tout et vous obtenez, grossièrement, le slasher. Trouvant ses origines dans les giallo, cette branche du cinéma d’horreur voit ses codes apparaître dès 1974 avec la sortie de Black Christmas. Considéré par certains comme le slasher originel, le film de Bob Clark met en scène le massacre d’étudiantes d’une même sororité par un assassin se cachant dans les murs de leur résidence universitaire. Utilisation de la caméra subjective pour voir par les yeux du tueur, action dans un lieu synonyme de sûreté et proies féminines : les bases sont alors posées et seront popularisées à l’échelle mondiale par Halloween: La Nuit des masques en 1978. Fort de son succès au box-office, le film de John Carpenter impose deux figures qui deviendront récurrentes dans le slasher: Le boogeyman (sous la forme de Michael Myers), meurtrier masqué, muet et increvable, représentation des peurs cauchemardesques dont on ne peut se débarrasser et la final girl (Laurie Strode, interprétée par Jamie Lee Curtis), la proie ultime, celle qui triomphe mais se retrouve souvent condamnée à revivre sa traque encore et encore.


L’heure est venue pour le cinéma américain de s’emparer de cette formule profitable avec plus ou moins de succès. Terreur sur la ligne (1979), Le Bal de l’horreur (1980), Meurtres à la St-Valentin (1981), et bien d’autres emboîtent alors le pas de leurs prédécesseurs mais ce sont surtout les sagas Halloween, Vendredi 13 (1980) ainsi que Les Griffes de la nuit (1984) qui inonderont les salles quasiment chaque année. Les suites s’enchaînent, les cadavres s’empilent mais le public, lui, s’ennuie face à une qualité en chute libre et c’est le slasher qui se vide de son sang à la fin des années 80.



© Paramount

Heureusement, Wes Craven cherche à rafraîchir sa filmographie, lassé du cinéma d’horreur en général. Bob Weinstein de Dimension Films propose à ce dernier de mettre en scène un script acheté au jeune scénariste Kevin Williamson. Derrière le nom provisoire Scary Movie se cache le film qui s’apprête à redorer le couteau des boogeymen . En 1996, Craven sort Scream et écrase près d’une décennie de slashers bas de gamme aux clichés éculés.


Direction Woodsboro, une petite ville californienne devenue le théâtre d’assassinats de lycéens par un tueur masqué et obsédé par les films d’horreurs. Son mode opératoire : jouer avec ses proies en les questionnant au téléphone avant de les attaquer. Un jeu macabre pour ses victimes mais ludique pour le public car les personnages, ancrés dans le réel, partagent les mêmes références culturelles que lui. Un contexte surprenant auquel le film nous habitue d’emblée à l’aide d’une introduction devenue culte tant elle déjoue les attentes et brille par sa tension savamment orchestrée grâce à des dialogues aux petits oignons. Après avoir éliminé Drew Barrymore, présentée comme la tête d’affiche, et rappelé que le slasher pouvait être effrayant et brutal, Wes Craven continue de moderniser le genre en jouant avec les codes des œuvres qui l’ont fondé.


Finies les final girls telles qu’on les a connues, symbolisant à la fois les victimes et la virginité protectrice. Place à Sydney Prescott, incarnée par Neve Campbell, une héroïne intelligente, indépendante et maîtresse de sa sexualité. Vous étiez fatigués des boogeymen muets et sans âme ? Désormais, ils sont profondément humains, à la fois calculateurs, attachants, instables et maladroits, quand ils ne sont pas un peu crétins. Scream commente le genre dont il est issu à travers la voix des ses personnages, se faisant alors critique et relais de ce qui déplaisait au public de l’époque. Craven en profite également pour interroger notre rapport à la violence et réussit à équilibrer avec une précision d’orfèvre l’horreur et l’humour, l’objet théorique fascinant et l’efficacité, la nouveauté et la tradition.



© Dimension Films

Pari gagné, le film est un immense succès critique et financier. Craven creuse encore plus le côté “meta” de Scream avec deux suites inégales mais pertinentes dans lesquelles il s’attaque au concept même de suite et à Hollywood (plus particulièrement aux producteurs, qu’il épingle violemment pour leur traitement des actrices). La boucle semble bouclée mais c’était sans compter l’inépuisable faculté d’exploitation du cinéma américain. La saga fait des émules, notamment avec la complicité de Kevin Williamson, proclamé roi du neo-slasher, qui se voit confier les scénarios de la pâle copie Souviens-toi... l’été dernier (1997) ou encore du raté Halloween: 20 ans après (1998). Mais c’est trop tard : le public, lassé, préfère se moquer avec les frères Wayans et leurs parodies Scary Movie.


On croyait le slasher mort et enterré… Pourtant, conséquence de la nostalgie des eighties à Hollywood, voilà qu’il repointe le bout de son couteau depuis quelques années. D’un côté, David Gordon Green propose une nouvelle trilogie Halloween et réécrit l’histoire d’une franchise surexploitée pour y apporter des thématiques neuves (les fake news, la justice privée à l’ère Trump) sans forcément révolutionner la formule. De l’autre, le slasher à l’ancienne séduit une niche de fans avec le sympathique à défaut d’être novateur X (2022) ou encore l’ultra-violent Terrifier 2. Et Scream dans tout ça ? Après le décès de Wes Craven en 2015, la saga a été confiée au duo Matt Bettinelli-Olpin & Tyler Gillett (Wedding Nightmare) qui a réalisé le cinquième épisode de la saga en 2022. Un nouveau volet sous forme de suite/remake, bloqué entre sa volonté de convier les fantômes du passé (le trio d’interprètes Campbell-Cox-Arquette est de retour) et une nouvelle génération de protagonistes. Mais à trop se regarder le nombril, Scream 5 peine à raconter quelque-chose de plus que son aîné malgré quelques commentaires amusants sur le cinéma horrifique actuel. Le 6ème épisode, en salles le 18 mars, parviendra-t-il à réinventer le genre ? Sans doute que non mais peut-être faut-il désormais accepter que le slasher est trop codifié pour connaître une nouvelle révolution.


©The Searchers


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