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Simon Lionnet

Twisters : Vers la fin du film catastrophe ?

Avec la sortie cet été de Twisters, Hollywood ressuscite l’un des plus gros succès de 1996 en même temps qu'un genre laissé de côté ces dernières années. Mais à l’heure où les crises climatiques et sanitaires se multiplient, le film catastrophe à l’américaine peut-il encore impressionner un public désormais habitué aux scènes de destruction massive ? Retour sur un genre qui reflète l’état de notre monde. 


Twisters de Lee Isaac Chung
© Warner Bros.

Un paquebot de croisière terrassé par une vague géante en pleine Méditerranée (L’Aventure du Poséidon, Ronald Neame, 1972), une gigantesque tour en flamme en plein cœur de San Francisco (La Tour Infernale, John Guillermin, 1974), un tremblement de terre ravageant Los Angeles (Earthquake, Mark Robson, 1974). Dans la première moitié des années 70, des images d’apocalypse inondent le cinéma populaire américain. Le film catastrophe est pourtant loin d’être une nouveauté, mais dans un contexte de crise internationale, entre Guerre froide et choc pétrolier, les États-Unis semblent avoir besoin d’exorciser leurs angoisses en assistant à des scènes de destruction causées par des forces qui les dépassent. Le genre est à cet égard bien aidé par des effets spéciaux impressionnants et l’appétit d’Irwin Allen, producteur des deux premiers films cités. Mais comme à son habitude, la machine hollywoodienne creuse le filon jusqu’à épuisement, multipliant les suites et variantes de ses succès initiaux, la fraîcheur et la qualité en moins.


Ce n’est que dans les années 90, à la faveur des avancées technologiques et plus particulièrement l’essor des CGI qu’Hollywood reprend le goût pour ce genre à part entière. Avec la capacité désormais de mettre en scène des désastres à bien plus grande échelle comme dans Independence Day (Roland Emmerich, 1996) et Armageddon (Michael Bay, 1998) et leurs destructions de ville entière, ou de donner vie aux tornades comme celles de Twister (1996) de Jan de Bont, le film catastrophe reprend d’assaut le box-office international avec la promesse d’offrir des images encore inédites aux yeux du public. Point d’orgue de ce nouvel élan : le succès terrassant du Titanic de James Cameron en 1997.


L'aventure du Poséidon de Ronald Neame
© Kent Productions

À partir des années 2000, le film catastrophe s’adapte à un monde sans cesse bouleversé. Impactés par les attentats du 11 septembre, certains cinéastes laissent poindre une noirceur symbolique et désespérée comme Steven Spielberg, qui troque avec  La Guerre des mondes (2005) les aliens pacifistes d’E.T et Rencontres du troisième type) contre des tripodes exterminateurs dans l’un de ses films aux visions les plus cauchemardesques ; ou encore Cloverfield (2008) de Matt Reeves qui, à travers son found footage en plein New York, évoque directement les images tournées par les habitants de Manhattan lors des attaques. On pensera également au (mauvais) Phénomènes (2008) de M. Night Shyamalan qui, dans une introduction d’une efficacité terrifiante, capte en contre-plongée le saut dans le vide de plusieurs ouvriers provoqué par un virus qui pousse l’humanité au suicide.


Imprimé par les images du 11 septembre, le film de Shyamalan, et son intrigue poussive autour de plantes se vengeant de l’humanité, trahit également une inquiétude autour des bouleversements climatiques. Cette crise alimentera le cinéma hollywoodien dès 2004, avec Le Jour d'après de Roland Emmerich, qui sera l’un des premiers à aborder le film catastrophe à travers ce prisme, mettant en scène un refroidissement global de la planète. Si aujourd’hui le film paraît relativement en avance par rapport aux autres productions de son époque, le genre apparaît de plus en plus dépassé par le réel et la retransmission en direct de l’accélération des catastrophes naturelles causées par le réchauffement climatique. 28 ans après sa sortie, Twister peut-il encore impressionner celles et ceux qui ont découvert les images de la tornade record de 4,3 kilomètres de diamètre qui a frappé El Reno en Oklahoma ? Un tsunami peut-il encore nous paraître effrayant après avoir vu en direct les vagues déferlant sur la côte pacifique japonaise en 2011, ou à une échelle plus locale les terribles inondations ayant frappé l’Europe en juillet 2021 ?


Le Jour d'après de Roland Emmerich
© Lionsgate

À l’ère post-COVID, Hollywood s’est quelque peu désintéressé de la production de films catastrophes comme en atteste l’absence de nouveautés depuis le modeste Greenland (Ric Roman Waugh, 2020) et sa formule old school. Le cinéma américain aurait-il accepté que le public ne soit plus enclin à soutenir un genre qui peine à révolutionner ses codes depuis plus de 50 ans ? Avec une éco-anxiété grimpante à l’échelle internationale difficile de croire que le film de catastrophe puisse connaître un nouvel âge d’or. L’époque sied davantage aux  œuvres traitant des thématiques environnementales sous un angle différent, à l’image du satirique Don’t Look Up (2021) d’Adam McKay qui pointe du doigt la négligence, l’éco-scepticisme et le complotisme ambiant. 


Un autre facteur à prendre en compte est la fameuse “suspension d’incrédulité”, c’est-à-dire notre capacité à croire ce qui nous est montré à l’écran en mettant en pause notre jugement critique. La surenchère visuelle à laquelle Hollywood nous a habitués, entre omniprésence d’effets spéciaux numériques et destruction de villes complètes (désormais inscrites dans le cahier des charges de tout bon blockbuster), permet-elle encore au public d’être impressionné par les catastrophes naturelles telles qu’elles nous sont montrées ? Difficile à prouver, mais comment susciter l’effroi de spectateurs qui ont assisté à plusieurs nuances d’anéantissement de la planète dans des films aux allures de “best-of” comme 2012 et Moonfall de Roland Emmerich où séismes, tsunamis, éruption de volcan et autres s’enchaînent frénétiquement ? Une routine qui enlise un genre qui a toujours été plus à l’aise lorsqu’il était accompagné d’avancées technologiques.


2021 de Roland Emmerich
© Paramount Pictures

Peut-être qu’au-delà du numérique, c’est tout simplement dans leurs mises en scène que les tentatives récentes pêchent (nous ne défendrons pas Moonfall dans les prochaines lignes). Cet été, Universal Studios et Amblin Entertainment font le pari de proposer une suite à l’un des plus gros succès du genre avec Twisters, réalisé par (Minari), issu du cinéma d’auteur. Si l’on en croit une interview donnée au magazine The Atlantic, le réalisateur promet un film centré sur ses personnages, ancré dans l’anxiété climatique actuelle, tourné pendant la période des tornades et mélangeant habilement effets spéciaux pratiques et numériques pour assurer un maximum d’immersion. Trop beau pour être vrai ? Rendez-vous le 17 juillet pour assister (ou pas) au retour en force des catastrophes au cinéma.


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