Avant Une Bataille après l'autre : 4 pépites de Paul Thomas Anderson
- L'équipe de Surimpressions
- 23 sept.
- 4 min de lecture
De la fresque historique à la romance teenage, en passant par le néo-noir, peu de cinéastes se sont montrés aussi versatiles que Paul Thomas Anderson. À travers ce petit article collectif, retour sur les nuances d’un cinéaste aussi virtuose qu’insaisissable. Petite sélection de la rédac’.

Hard Eight (1996) - Quentin Moyon
Impossible de (re)découvrir le premier film de Paul Thomas Anderson sans y projeter les images de ses chefs-d’œuvre. De ne pas cocher dans notre “bingo du réalisateur”, les codes de son cinéma lorsqu’ils nous apparaissent pour la première fois. D’autant plus que, Si vous êtes joueur, Hard Eight est fait pour vous. Sorti en 1996, le film nous plonge dans le monde immonde des casinos. Mais ici pas de braquage grandiloquent façon Ocean’s Eleven. Les voleurs sont de bas étage, comme John (John C. Reilly) qui, de pauvre paumé, s’improvise petit arnaqueur sur les conseils de son mentor Sydney (Philippe Barker Hall). Dans Hard Eight, Paul Thomas Anderson fait déjà la part belle aux personnages et notamment aux seconds couteaux, à l’image de la marginale Clementine (Gwyneth Paltrow) ou du très bavard Jimmy (Samuel L. Jackson), tout en constituant le bestiaire de ses acteurs fétiches. Impossible enfin, de ne pas déjà voir dans le film, la virtuosité du réalisateur. Hors-champ intelligent. Ambiance naturaliste et intimiste. Travellings fluides et composés. Un film qui se savoure comme une quinte flush royale !
© Rysher Entertainment 2. Punch Drunk Love (2002) - Léa Dornier
Le génie de Punch Drunk Love, c’est de prendre la comédie romantique par surprise. Pas de miel ici, mais un conte tordu où l’amour devient une force brute, capable de pulvériser la honte et l’angoisse. - “I have a love in my life. It makes me stronger than anything you can imagine.” Dès la première image, on entre dans un monde saturé de bleu, de silences inconfortables et de tensions invisibles. Barry Egan (Adam Sandler), un petit patron coincé, est obsédé par des promotions de pudding et terrorisé par ses sept sœurs. Ce héros loufoque porte en lui une colère sourde qui l'entraîne dans une succession de péripéties absurdes. La mise en scène avance en funambule : plans fixes étouffants, jaillissements de couleurs abstraites, bande-son qui claque comme un cœur en surchauffe. En 90 minutes, Punch-Drunk Love dit le chaos intérieur et la beauté bancale des rencontres. C’est peut-être le film le plus resserré et intime de Paul Thomas Anderson. Il y ose la vulnérabilité. Comme une déclaration d’amour à la gêne, à la solitude, au désespoir – et à tout ce qui peut renaître malgré tout.
© Columbia Pictures
Licorice Pizza (2021) - Simon Lionnet
Trois ans après Phantom Thread, Paul Thomas Anderson troque l’omelette aux champignons toxiques contre une savoureuse pizza à la réglisse en replongeant dans la douceur de son adolescence. Retour dans la Cité des Anges des années 70, son optimisme économique et son capitalisme outrancier pour voir naître la relation amoureuse entre un gamin ambitieux et rêveur de 15 ans et une jeune femme de dix printemps son aînée. Sous ses airs de petit bonbon faussement nostalgique et moins grandiloquent que certaines de ses précédentes œuvres, Licorice Pizza dévoile l’impressionnante maîtrise d’un cinéaste en pleine possession de ses moyens. Dans un enchaînement effréné de situations et rencontres, PTA interroge la vérité derrière une époque excessive, enivrante, créative d’où tente de se dégager l’amour insouciant et véritable de son duo. Porté par les performances magnétiques de Cooper Hoffman (fils du regretté Philip Seymour Hoffman, bien plus qu’un simple nepo baby) et d’Alana Haim (du groupe éponyme), Licorice Pizza capte l’énergie brute d’une génération tout en laissant filtrer une mélancolie sourde, celle d’un âge d’or évanoui derrière les fantasmes qu’on a construit autour.
© Universal BE
Inherent Vice (2014) - Kevin Giraud
Adapté du roman éponyme de l’écrivain américain Thomas Pynchon, Inherent Vice est un véritable rayon de soleil dans la filmographie d’Anderson. Un film tantôt lumineux dans sa comédie, tantôt brûlant par sa critique sociale, qui réussit – comme souvent avec le cinéaste – à nous prendre aux tripes malgré sa densité. Deux ans après The Master, où le cinéaste collaborait pour la première fois avec Joaquin Phoenix, ce dernier endosse ici le rôle de Larry "Doc" Sportello, détective privé entre hippie et loser qui navigue tant bien que mal dans l’Amérique de Nixon. À la recherche de son ex-compagne, Doc se retrouve englué dans les bas-fonds de la tentaculaire Los Angeles, où naviguent policiers véreux et criminels aussi risibles que dangereux. Au croisement du stoner movie et du néo-noir, Inherent Vice s’étire comme un bad trip, où Phoenix incarne à merveille ce privé un peu benêt, emporté malgré lui dans un tourbillon d’aventures rocambolesques où – tout comme le spectateur – il semble constamment à côté de la plaque. Un film au casting croustillant, et aux envolées comiques absolument délicieuses.
© Warner Bros BE