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Cannes 2025 : Alpha est-il à la hauteur du choc Titane ?

Dernière mise à jour : il y a 5 jours

Alpha de Julia Ducournau
© Fetival de Cannes

C'est peu dire qu'Alpha était l'une des grandes attentes de cette édition ! Après avoir remporté la Palme d'or en 2021 avec Titane, le retour de Julia Ducournau était au centre de toutes les attentions. Plus dure aura été la chute ?


Lorsqu'Alpha (Mélissa Boros), 13 ans, rentre d'une soirée alcoolisée avec un tatouage sur le bras, sa mère (Golshifteh Farahani), médecin dans un hôpital, panique à l'idée qu'une aiguille sale ait pu infecter sa fille du mystérieux virus qui marbre les corps. Cette angoisse, c'est aussi celle qui réactive le souvenir douloureux de son frère Amin (Tahar Rahim) addict et atteint de cette maladie depuis une dizaine d'années. Le tatouage, gravé dans la peau en forme de A majuscule, devient alors un symbole déclencheur qui, dans l'esprit de la mère d'Alpha, fait fusionner la jeune fille et son oncle. 

© Festival de Cannes 2024
© Festival de Cannes 2024

Récit éclaté, naviguant entre les années 80 et 90, d'un trauma transgénérationnel et d'une transmission de la peur, Alpha explore la crise du VIH, sa panique, son incompréhension, l'abandon de la société et la honte imposée aux malades. Qu'il s'agisse des croyances suffocantes de la famille d'Amin (le désert rouge qui possède les corps, l'eau pour purifier), du professeur homosexuel d'Alpha (Finnegan Oldfield, le plus touchant du film) ou de l'école qui traite la gamine comme une lépreuse en attendant les résultats des tests, Julia Ducournau rend hommage à des êtres marqués dans leur chair et rejetés par le monde.  À l'allégorie du SIDA s'ajoute un symbolisme appuyé du deuil impossible, de la dépendance, de la famille aimante mais étouffante, de la mue adolescente, d'un futur (post)-apocalyptique, et on en oublie encore.


Cette accumulation métaphorique est symptomatique d'une limite d'Alpha, qui pointait déjà le bout de son nez dans Titane : Julia Ducournau est une cinéaste d'images (parfois chocs, volontiers inspirées, voire brillantes) qu'elle peine à ""lier" ensemble. Ce problème s'explique, au moins en partie, par l'aspect très cérébral (sur-analytique ?) de sa démarche et par un déficit d'écriture flagrant. À cet égard, les dialogues sont un cas d'école tant leur rigidité va jusqu'à handicaper les interprètes principaux qui sonnent tous faux tuant ainsi dans l'œuf la moindre pointe d'émotion. Du body horror, Alpha ne garde que quelques plans de peaux transpercées et de corps mutants lui préférant un mélodrame, lardé d'anticipation, écrasé par une mise en scène boursouflée, jamais fluide, ni organique. Mentions spéciales à l'effet juke-box servant de béquille sonore asphyxiante et à la photographie désaturée des scènes au présent d'une laideur insondable. On ne peut pas reprocher à Alpha ses ambitions, simplement regretter son exécution hasardeuse. 


Le troisième long-métrage de Julia Ducournau était attendu à Cannes. Comme le Messie par ses admirateur·ices et au tournant par ses détracteurs qui espéraient en découdre depuis le sacre de Titane et prouver, non sans une once de sexisme, que la réalisatrice ne méritait pas ses honneurs. Les critiques assassines qui pullulent depuis la présentation d'Alpha ont ainsi autant à voir avec l'échec colossal du geste de Ducournau qu'avec un certain rapport qu'entretiennent la presse et les cinéphiles avec les films (surtout de genre) de réalisatrices. La jubilation mesquine de certains confrères nous oblige à plus de mesure et de rigueur critique. Et à rappeler que, comme les voies du Jury sont impénétrables, Julia Ducournau  n'a pas encore tout à fait perdu la bataille !


Réalisé par Julia Ducournau

France/Belgique

En Compétition officielle

Avec : Mélissa Boros, Tahar Rahim, Golshifteh Farahani et Emma Mackey


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