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Simon Lionnet

Critique : Le Règne animal de Thomas Cailley

Dernière mise à jour : 5 oct. 2023

Bête de film !

© Studiocanal

Le cinéma fantastique français reprend du poil de la bête avec le second long-métrage de Thomas Cailley. 9 longues années après Les Combattants, un premier film remarqué à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes pour son mélange des genres audacieux, le réalisateur confirme son talent de cinéaste hybride avec Le Règne animal.


9 années qui auront vu le monde traversé par une crise sanitaire inédite. Difficile de dire que le hasard fait bien les choses, mais force est de constater que l’actualité aura permis à Thomas Cailley de bâtir le pont parfait entre ses deux films. Si le premier dépeignait, dans un mélange de comédie et de romance, l’alarmisme d’une jeunesse soucieuse d’un basculement sociétal et environnemental, voire une apocalypse, Le Règne animal, lui, s’inscrit dans un monde qui s’est déjà transformé.


Nous voilà plongés dans une France contemporaine où certains êtres humains mutent progressivement en animaux. Dans l’incompréhension collective, la société est divisée face à ce phénomène inattendu. Faut-il cohabiter avec eux ? Si oui, par quels moyens ? Comment faut-il les nommer ? Les bestioles, les créatures ? Au milieu de tout ça, François (Romain Duris) part à la recherche de sa femme, touchée par ces mystérieuses transformations, avec son fils Emile (Paul Kircher) à ses côtés.


Là où l'évidence aurait conduit Le Règne Animal vers le survival post-apocalyptique, le réalisateur français s'empare de son sujet en l'ancrant dans le réel. Pas de longues tirades scientifiques sur l’origine du bouleversement; aux oubliettes les extraits de journaux télévisés montrant son étendue à l’international. Le film se resserre principalement sur la quête de ses deux héros pour mieux tisser ses thématiques, allant du changement climatique au rapport de l’humain à la nature, en passant par l’immigration et la crise COVID.


Comme Les Combattants, Le Règne Animal illustre la capacité de Thomas Cailley à jongler entre les styles. Un récit initiatique lorsqu’il se concentre sur l’émancipation du personnage d’Emile, adolescent en pleine construction dans un monde qui change à toute allure; un drame intimiste d’une sensibilité surprenante dans le traitement de la relation père-fils grâce à l’alchimie et au talent de Duris et Kircher; une pincée de comédie souvent hilarante; un soupçon de thriller avec supplément body horror lors de certaines confrontations et transformations; Le Règne animal glisse habilement d’un genre à l’autre tout en préservant avec élégance le fantastique de son sujet grâce à un formidable travail sur les effets spéciaux numériques et les maquillages. Parfaitement crédibles et distillés sans démesure (à l’exception d’une scène aérienne un poil trop démonstrative), ces derniers sont à la hauteur des ambitions du film, et donnent naissance à des créatures criantes de vérité qui s’illustrent dans des scènes d’action très réussies. Mentions spéciales à son introduction brillante, et à une scène de course-poursuite haletante et poétique dans les champs.


À partir d’un exercice d'équilibriste profondément casse-gueule, Thomas Cailley parvient à bâtir du cinéma fantastique cohérent et peu commun dans le paysage francophone. Bien sûr, son film n’échappe pas aux défauts de ses qualités. À force de courir après de multiples thématiques, le cinéaste peine à clôturer son récit, et gaspille un peu le talent de ses interprètes, comme celui d'Adèle Exarchopoulos. Mais pas de quoi chercher la petite bête non plus. Le Règne animal irradie d’une générosité aussi surprenante que réjouissante.


RÉALISÉ PAR : THOMAS CAILLEY

AVEC : ROMAIN DURIS, PAUL KIRCHER, ADÈLE EXARCHOPOULOS PAYS : FRANCE

PAYS : FRANCE

DURÉE : 127 MINUTES

SORTIE : LE 4 OCTOBRE

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