A Big Bold Beautiful Journey : Trop beau pour être vrai
- Elli Mastorou

- 30 sept.
- 3 min de lecture

L’histoire commence lors d’une journée pluvieuse. David (Colin Farrell), quadragénaire fringant et pressé, se rend à un mariage à bord d’une voiture de location, guidé par un GPS un peu particulier. Sur place, après avoir salué les mariés, il fait la rencontre de Sarah (Margot Robbie), blonde pétillante et désinvolte avec qui il aura une brève mais agréable conversation. Le lendemain, sur la route du retour, les chemins de David et Sarah vont se croiser à nouveau dans un Burger King. C’est ainsi que ces deux-là, guidés par la voix du GPS, vont s’embarquer dans une série d’aventures rocambolesques, grâce à des portes mystérieuses qui vont apparaître de façon impromptue sur leur route. En tournant la poignée, ils se retrouveront transportés, comme dans un flash-back, dans un moment marquant de leur vie : rupture difficile, trauma adolescent, conflit parental, deuil…
Quelque part entre le conte fantastique et la comédie romantique, A Big Bold Beautiful Journey, troisième opus du cinéaste américain d’origine sud-coréenne Kogonada (After Yang) nous promène à travers plusieurs paysages et décors (lycée, maison de famille, hôpital). Mais le « grand voyage audacieux » du titre fait davantage allusion à l’aventure intérieure que vont traverser ses personnages principaux. Au fur et à mesure que David et Sarah apprennent à se connaître, se confiant sur leurs défauts et regrets, le récit les fera passer « de l’autre côté du miroir » comme l’Alice de Lewis Carroll, pour confronter les non-dits et culpabilités de leur existence. Pour, in fine, mieux se connaître… et s’aimer. Sur le papier, pourquoi pas. Sauf que concrètement, la mayonnaise ne prend pas.

En termes de scénario, tout d’abord, le récit apparaît comme très simpliste – à commencer par ce GPS étrange de la voiture de location old school, qui guide les personnages selon des règles que lui seul connaît. Au début du film, David se rend dans un mystérieux bureau situé dans un énorme hangar vide. Suite à une conversation un peu étrange avec les employés, campés par Phoebe Waller-Bridge et Kevin Kline, ceux-ci le persuadent de louer la voiture avec GPS intégré. Si la scène est délicieusement surréaliste et drôle, on n’en saura hélas pas davantage ce lieu étrange à l’origine de cette aventure. En fiction, le terme « suspension consentie de l’incrédulité » désigne l’opération mentale qui consiste à rentrer dans l’univers de l’œuvre et mettre son scepticisme de côté. Une démarche certes beaucoup plus aisée quand on est face à une œuvre qui nous touche et nous plaît. Dans ce film, les fils narratifs sont ténus, la cohérence de l’univers est maigre : porte après porte, les personnages s’exécutent plus ou moins joyeusement. Le ton, empreint d’un enthousiasme naïf (voire nunuche), rend l’effort de suspension d’incrédulité d’autant plus compliqué. Etonnant quand on sait que le scénario est signé par Seth Reiss, qui a écrit également celui de The Menu, un film autrement plus… mordant.

Formellement, ensuite, le film baigne dans une esthétique qui semble factice et datée : les couleurs sont (trop) vives, le jeu (trop) premier degré, la photo (trop) lisse. Le tout évoque, au choix, une vieille production Disney, l’univers des Playmobil, ou une rom-com des années ’90 ou début 2000, façon Le Jour de la Marmotte de Harold Ramis, ou Et si c’était vrai (2005) … En tout cas, difficile à croire qu’on est devant un film de 2025. Sans parler du placement de produit pour Burger King, assez évident et franchement gênant.
On peut argumenter que c’est audacieux, après tout, d’aller à contre-courant de l’esthétique et du climat ambiant. On peut voir A Big Beautiful Journey comme un film-bonbon gentiment régressif, dont les bonnes intentions viennent répondre à la morosité de l’époque actuelle désenchantée. Pourquoi pas, mais en tout cas, ce n’est pas pour moi.
Avec Colin Farrell, Margot Robbie, Hamish Linklater. États-Unis, 108 minutes.



