The Conjuring 4 : Trois raisons pour lesquelles cette conclusion est ratée
- Julien Del Percio

- 9 sept.
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 10 sept.

Avec plus de deux milliards de recettes au box-office, l’univers étendu Conjuring, incluant les spin-offs Annabelle et La Nonne, a été la franchise horrifique la plus lucrative de l’histoire du cinéma. Douze ans après ses débuts, la saga tire (enfin) sa révérence avec un quatrième opus très attendu réalisé par Michael Chaves (Conjuring 3, La Nonne 2) où Patrick Wilson et Vera Farmiga endossent une ultime fois les rôles d’Ed et Lorraine Warren.
Verdict ? Il s'agit peut-être bien du pire volet... Et ce pour trois raisons.
Même pas peur !
Dès le premier opus, réalisé avec virtuosité par James Wan, la saga Conjuring s’est affirmée comme un parfait exemple de “train-fantôme cinématographique”. L’intérêt du film résidait moins dans son atmosphère macabre ou dans ses images dérangeantes que dans la capacité du cinéaste à maintenir ses spectateur.ices dans une situation de tension, grâce à une maîtrise impeccable du tempo, du suspense et évidemment des jumpscares. La formule était certes un peu limitée, mais en 2013, il y avait quelque chose de profondément ludique et plaisant à se laisser embarquer dans un tel roller-coaster.
Douze ans plus tard, la recette a été largement essorée, à la fois par les autres volets de la saga mais aussi par tout un tas de mauvais ersatz (Night Swim, Ouija, Dans le noir). Résultat : Conjuring 4 s’évertue à nous faire sursauter toutes les cinq minutes sans jamais renouveler ses mécanismes horrifiques, désormais complètement dépassés. Ce ne serait pas si dommageable si le cinéaste Michael Chaves avançait d’autres arguments pour nous faire frémir, comme une imagerie un peu différente ou pourquoi pas une pointe de gore. Hélas, à ce niveau-là, Conjuring 4 est sans doute l’un des opus les plus inoffensifs de toute la saga. Les dialogues ont beau nous répéter ad nauseam que “cette fois-ci, c’est différent” ou que “le mal n’a jamais été aussi puissant”, on ne sent jamais les personnages véritablement en danger, et les créatures diaboliques qui peuplent le film se limitent trop souvent à un bref sursaut. Figée dans sa propre formule, cette conclusion semble terrifiée à l’idée de malmener ses héros ou de s’aventurer dans des recoins plus cruels, oubliant au passage que l’essence même de l’épouvante réside dans sa capacité à nous faire perdre nos repères.

Inspiré d’une histoire vraie
Depuis Massacre à la tronçonneuse (1974), qui affirmait que son récit (inventé) était adapté de faits réels, l’horreur s’est beaucoup amusée à entretenir le flou entre la réalité et la fiction. En adaptant les récits d’Ed et Lorraine Warren, célèbres enquêteurs du paranormal ayant officié dans les années 70-80, The Conjuring mettait à profit cette tension féconde. Sur le papier, pourquoi pas. Mais dans les faits, cet accrochage à un prétendu réel est au mieux ridicule, au pire problématique. Ridicule, car les péripéties sont si grotesques - dans cet opus, des gens s’envolent plusieurs mètres au-dessus de leur lit et un miroir hanté démolit la moitié d’un étage, entre autres - que le label “histoire vraie” apparaît plus risible que jamais. Problématique, car le film transforme Ed et Lorraine Warren en super-héros du paranormal et fiers défenseurs de l’Eglise, alors que le véritable couple tient davantage du duo d’escrocs. Dans la réalité, les célèbres démonologues n’ont jamais obtenu de validation scientifique pour leurs enquêtes, pas plus qu’ils n’ont eu d’appui de l’Eglise catholique. En réalité, beaucoup de médias les considère comme des fraudeurs, qui auraient monté un tas de supercheries dans le but de créer un empire financier du paranormal, avec à la clé la publication de plusieurs livres, des musées sur l’occulte, des conférences, des apparitions spectaculaires à la télévision…Sans même évoquer l’enquête glaçante du Hollywood Reporter qui révèle une relation entre Ed, quarante ans, et Judith Penney, une adolescente âgée de quinze ans. Pour les bienfaiteurs du paranormal, on repassera.

Suppléments conservateurs
L’horreur, même “mainstream”, a toujours été un genre privilégié pour explorer des thématiques moins consensuelles, voire un peu controversées : l’anormalité des Freaks de Tod Browning (1930), l’exploitation des corps féminins dans The Substance (2024), le racisme ordinaire dans Get out (2017). Même dans L’Exorciste (1973), la matrice des films paranormaux tels que The Conjuring, le cinéaste William Friedkin n’hésitait pas à esquinter la foi de son prêtre. Dans The Conjuring, et à fortiori dans ce quatrième film, c’est au contraire les valeurs normatives américaines - la famille, le catholicisme, le mariage - qui sont constamment brandies en étendard. Les Warren triomphent en tant que famille nucléaire unie, la bénédiction semble auréoler chacune de leur action - notamment lorsqu’un rayon divin vient littéralement ressusciter un bébé lors de l’introduction - et le happy-end final glorifie avec joie (et niaiserie) le mariage. Autant de choix dignes d’un mauvais blockbuster qui évacuent la moindre parcelle de nuances à l'héroïsme tout américain de ces personnages en carton-pâte.
Réalisé par Michael Chaves (États-Unis - 135 minutes) avec Vera Farmiga, Patrick Wilson, Mia Tomlinson



