En amour comme en critique, il est généralement de bon ton d’éviter les superlatifs. À force “d’époustouflant”, de “grandiose”, et autre “magnifique”, ne dénature-t-on pas le compliment ? Pas au cinéma. Hollywood - comme votre serviteur - a toujours eu l'amour des superlatifs. Et quel meilleur art pour satisfaire les besoins de grandeur et de gloire de la machine à rêves que la comédie musicale?
Car la comédie musicale - au même titre que le cinéma d'animation, avec lequel elle entretient une longue et intime relation - a quelque chose de l'art total, mêlant toutes les autres formes artistiques pour aboutir dans ses plus grandes réussites à des œuvres qui transcendent l'espace et le temps, avec chacune leurs instants d'anthologie. Des ballets aquatiques des années 30 de Busby Berkeley aux décors des Alpes de La Mélodie du Bonheur, en passant par les rythmes endiablés de West Side Story premier ou deuxième du nom, le cinéma a su plus d'une fois sublimer la comédie musicale, tantôt étant à son origine, tantôt l’adaptant pour le grand public. Le tout, dans un cycle éternel. Ou est-ce plutôt une ronde infinie? C’est en tout cas de nouveau le cas en ce froid mois de décembre, furieusement réchauffé par la sortie de Wicked, premier acte.
Que retenir de cette œuvre, illustration de cet art total qui sied si bien à Hollywood? Emportée par ses deux actrices principales Cynthia Erivo et Ariana Grande, cette relecture du conte du magicien d’Oz écrite par Gregory Maguire et adaptée en comédie musicale par Stephen Schwartz et Winnie Holzman tutoie les sommets de l’art tout comme elle s’embourbe dans le manque de prise de risque. Tantôt époustouflante - oui, c’est le mot - tantôt pataude, tantôt attendue, tantôt touchante.
Un film qui doit énormément à son duo d’actrices, grandioses - oui, c’est toujours le mot - dans leurs interprétations de ces apogées de la comédie musicale que sont What is this Feeling?, Popular, ou l’hymne Defying Gravity. De quoi faire perdre toute objectivité à votre serviteur, malgré des bémols évidents en termes d’effets numériques et de prestation parfois douteuses d’un casting de grands noms — l’on remerciera ainsi Michelle Yeoh, Peter Dinklage et autres Jeff Goldblum de limiter leurs chansonnettes à quelques couplets.
Car lorsque se dévoilent les premières notes de cette ouverture de tous les possibles, Wicked vous emporte aux sommets de cet art à la croisée des mondes. Un sentiment qui, s’il vacille parfois, accompagnera et récompensera les adeptes du genre jusqu’à une conclusion en apothéose.
RÉALISÉ: JOHN M. CHU
AVEC : CYNTHIA ERIVO, ARIANA GRANDE, JEFF GOLDBLUM, MICHELLE YEOH
PAYS : ÉTATS-UNIS
DURÉE: 160 MINUTES