Dans les boyaux de l’enfer
Vous ne le savez sans doute pas, mais vous avez déjà été ensorcelé par Phil Tippett. Magicien des effets spéciaux et du stop-motion, l’artiste américain a créé avec ses collaborateurs quelques-unes des créatures les plus mémorables et effrayantes du cinéma hollywoodien, de Star Wars à Starship Troopers en passant par Jurassic Park. Depuis cette époque où les Oscars pleuvaient sur sa route, l’homme s’est fait plus discret, les studios ayant moins d’intérêt pour les monstres faits mains avec l'avènement du numérique. Tapi dans l’ombre, il n’a cependant jamais cessé de travailler, fignolant son magnum opus, le terrifiant et lugubre Mad God. Sorti des tréfonds de son imagination sordide, ce film d’animation en volume est tout sauf linéaire, suivant le mouvement imprévisible d’un rêve - ou plutôt d’un cauchemar. Dans un premier temps, on suit la descente d’une figure muette et meurtrière qui s’enfonce dans un monde extraordinairement horrible, rempli de créatures des plus répugnantes. Boyaux, pustules, dents arrachées et effusions de sang jaillissent de toute part. Les décors miniatures méticuleusement construits pour les besoins du film apparaissent gigantesques, avalant les personnages dans un monde post-apocalyptique digne des plus terribles peintures de l’enfer, entre Goya, Bacon et Bosch. Très vite, il devient impossible de s’accrocher à quelque chose de tangible devant ce spectacle hanté où rien ne survit : le film nous condamne à l’errance, flottant de lieux en lieux comme un fantôme. Pas de dialogues ici d’ailleurs, que des sons stridents, en parfaite adéquation avec l’image.
Il semble impossible qu’un spectacle aussi repoussant puisse être beau, mais Mad God est, contre toute logique, un ravissement pour les yeux et un bouleversement pour les sens. Expérience inoubliable de cinéma, le film capture à la fois d’énormes pans du septième art, tout en nous proposant une vision infernale qui n’a pas d’autre égal. Un mauvais sort des plus envoûtants.
RÉALISÉ PAR : PHIL TIPPETT
AVEC : ALEX COX, NIKETA ROMAN, SATISH RATAKONDA
PAYS : ÉTATS-UNIS
DURÉE : 83 MINUTES
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