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Dossier 137 : le film d'enquête qui dénonce les violences policières

Après La Nuit du 12, le cinéaste français s’attaque à la question des bavures policières dans un thriller amer. 


© Cinéart
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Comme d'autres récentes fictions françaises (La Fracture, Les Braises), Dossier 137 prend pour toile de fond le mouvement des Gilets Jaunes. Mais le vrai point de départ du film, c’est l’inspection générale de la Police nationale (IGPN). Équivalent français de notre Comité P, elle enquête sur les bavures policières.


À partir de faits observés durant son immersion à la section parisienne de l’IGPN, Dominik Moll et son co-scénariste Gilles Marchand tissent une fiction minutieuse autour de Stéphanie (Léa Drucker). Paperasse, machine à café, e-mails, voiture, maison : le quotidien routinier de cette enquêtrice est vite installé. Mais le dossier 137 vient la troubler : elle découvre que Guillaume, le crâne fracassé suite à un tir de Flash-Ball, est originaire de la même ville de province qu’elle. Venu manifester avec sa famille (c’était aussi l’occasion de visiter Paris), perdu dans le chaos des affrontements, il a été ciblé par des policiers. Stéphanie prend le dossier à cœur, mais son zèle ne sera pas au goût de sa hiérarchie. 


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Après son rôle d’infirmière dans L’intérêt d’Adam, Drucker incarne idéalement cette enquêtrice seule contre tous. Conciliant austérité et bonhomie, elle se glisse avec aisance dans ces rôles-métier, qui racontent une société fragmentée. La mise en scène, rythmée par un montage rapide et des scènes courtes, est au service du propos. Moll nous plonge dans les rouages d’un système, avec son vocabulaire et ses procédures, pour le plus grand plaisir des amateur·ices. Visuellement, le résultat accuse le coup sur la longueur, dominé par des images de bureaux grisâtres, de rues parisiennes humides et de trajets en voiture. 


Là où La Nuit du 12 abordait la violence patriarcale à travers un féminicide, Dossier 137 évoque des questions de classe, du rond-point des Champs-Élysées jusqu’à ceux des Gilets Jaunes de Saint-Dizier, d’où vient aussi Stéphanie. Ce personnage, dans sa dévotion, incarne un certain idéal - à l’instar des policiers de La Nuit du 12, dont les propos sur les relations hommes-femmes relèvent d’une acuité bienvenue bien que peu réaliste. Stéphanie, c’est la flic honnête, contrairement à « ceux qui déconnent » comme elle dit. Mais le dossier 137 est l’exception qui confirme la règle. Si Stéphanie, isolée et démunie, est en minorité dans un système gangréné (par le patriarcat, la corruption, le pouvoir), que peut-elle vraiment ? Qui nous protège de la police, si même quelqu’un comme elle a du mal à y parvenir ? 


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Le film aurait sans doute pu aller plus loin, en ne démontrant pas seulement les failles d’un système mais comment ces failles font le système. Cependant il illustre bien comment il alimente le sentiment d’injustice du côté des victimes de la police – la dernière scène leur donnant enfin une parole nécessaire. Prenant à défaut d’être surprenant, il reste un thriller âpre et efficace… qui laisse un goût amer.



Avec Léa Drucker, Yoann Blanc, Guslagie Malanda. France, 116 minutes



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