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Marche ou crève : Une adaptation sans pitié de Stephen King

© Lionsgate BE
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Parmi toutes les histoires contées par Stephen King, Marche ou crève est sans nul doute l'une des plus cruelles : dans un avenir indéterminé, cinquante adolescents prennent part chaque année à une épreuve sous forme de longue marche, diffusée dans toute la nation où des militaires abattent froidement ceux qui s’arrêtent ou ralentissent. Écrit dans les années 70, le roman a nourri de nombreuses spéculations sur son sous-texte. Allégorie de la guerre du Viêt-nam et son gaspillage tragique de jeunes vies ? Satire d’une idéologie américaine poussant la persévérance jusqu’à l’absurde ? Réquisitoire contre les médias et leur fascination morbide  ? Il y a sans doute un peu de vrai dans toutes ces interprétations, mais celles-ci ne devraient pas nous détourner du charme premier de l'œuvre : celui d’offrir un concept de série B “battle royal” absolument implacable. Marche ou crève le roman, c’est avant tout une lecture éprouvante, immersive, que l’on parcourt compulsivement en serrant les orteils, horrifié et fasciné par les descriptions minutieuses de la déchéance physique des personnages. Restait à voir si l’adaptation allait être à la hauteur, d’autant que la marche à pied n’est pas tout à fait une activité des plus cinématographiques.


The long walk, de Francis Lawrence
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Si le pari est en partie remporté par le cinéaste Francis Lawrence et son scénariste J.T. Mollner, c'est parce qu'ils ont opté pour une narration dégraissée, immédiate. Marche ou crève le film n'est donc jamais aussi bon que lorsqu'il s'arrime à la substantifique moelle du projet original : peu de contexte ni de flash-back, mais au contraire un focus sur l'épuisement, le désespoir, l'inéluctabilité de l'issue et la violence des dégradations corporelles subies. Certes, la mise en scène aurait sans doute pu faire preuve de davantage de sensorialité, mais Francis Lawrence ne démérite pas derrière la caméra, surtout lorsqu'il filme les dialogues via de longs plans assez immersifs, assumant le caractère monotone et anti-spectaculaire de la marche. 


Hélas, si le long-métrage se révèle indéniablement prenant, on sent parfois la volonté de tordre le concept pour le rapprocher des codes plus hollywoodiens. Ainsi, l'épreuve devient rapidement le prétexte d'une histoire d'amitié entre les deux personnages principaux- au demeurant fort bien interprétés par David Jansson et Cooper Hoffman - ce qui pousse Marche ou crève à verser vers la fin dans un mélodrame très emphatique, avec un supplément de rédemption trop préfabriquée. Rien qui ne coule complètement le film, qui se révèle d'ailleurs par endroit effectivement émouvant, mais nul doute que le projet aurait gagné à embrasser jusqu’au bout la radicalité noire du roman. 



Avec Cooper Hoffman, David Jonsson, Mark Hamill. États-Unis, 108 minutes.


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