Sirât : Un film qui pulse et colle à la peau
- Léa Dornier
- il y a 3 jours
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Oliver Laxe ne se contente pas de raconter une histoire. Il la fait pulser dans les tempes. Sirât s’ouvre par une rave-party pleine de poussière. On croit d’abord assister à un road-movie aride, porté par la quête d’un père et son fils à la recherche de Mar, l’aînée, disparue quelque part au bout du désert marocain. Dans une voiture prête à s’écrouler, le duo, et leur petit chien, suit un groupe de teufeurs marginaux qui serpente les montagnes vers la prochaine fête. Très vite, l’écran se dilate. L’intrigue se dissout. Le film devient un état. Fiévreux, hypnotique, presque hallucinatoire.
Au fil du voyage, la quête se mue en autre chose : un chemin intérieur où il n’est plus question de retrouver, mais de se perdre. Le récit se défait des repères classiques, pour un ressenti brut. Oliver Laxe filme l’épuisement, la tendresse et la peur, avec la même intensité. Le film se réinvente en cours de route, il suit un sentier, prend un virage à gauche, puis à droite, et encore à gauche.

La radio annonce la fin du monde. Mais cette famille, réelle et recomposée, tente de faire communauté, de redéfinir la solidarité. Elle offre une réflexion sur la condition humaine. Ce qui reste, c’est un vertige. On se prend de front la fragilité et la fureur du vivant. On reste cloué à son siège, traversé par l’étrange impression d’avoir frôlé quelque chose de plus grand. Dans le Coran, le sirât désigne un pont suspendu entre l’enfer et le paradis, à franchir le jour du Jugement dernier. Ici, ce pont devient un itinéraire intérieur, qui invite à se dépouiller pour atteindre un ailleurs.
Visuellement, le film orchestre une tension entre l’immensité et l’intime. La caméra se faufile. Le désert devient un personnage, qui impose son rythme et ses lois. Le son, aussi, agit physiquement. Les basses grondent et collent à la peau.
Acclamé à Cannes, Sirât a obtenu ex aequo le Prix du jury. C’est un film accessible, qui divertit, tient en haleine, tout en laissant infuser sa métaphysique. Chacun y prendra ce qu’il veut. Attention tout de même aux âmes sensibles.
Réalisé par Oliver Laxe (Espagne, France - 115 minutes) avec Sergi López, Bruno Núnez Arjona, Richard Bellamy