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The Smashing Machine : un biopic fiévreux

Entre gloire, dépendance et amour abîmé, Benny Safdie raconte la trajectoire de Mark Kerr, star du MMA des années 1990, que Dwayne Johnson incarne avec une vulnérabilité étonnante.


© The Searchers
© The Searchers

Le corps tout en muscles et en sueur, Mark Kerr ne perd jamais un combat. Pionnier du free fight, son invincibilité lui vaut un surnom : The Smashing Machine. En interview, il parle avec douceur et philosophie. Mais à une question simple : “comment envisagez-vous la défaite ?”, il ne trouve pas de réponse. La défaite, il ne l’envisage pas. C’est hors de son système. 


Pour sa première réalisation en solo après ses succès avec son frère (Good Time, Uncut Gems), Benny Safdie nous montre l’usure du corps, les fissures de l’égo et la lutte d’un homme contre lui-même. Les combats sont saisis caméra à l’épaule, en gros plans nerveux, sans jamais franchir les barrières du ring. Les intérieurs peu éclairés, les tons orangers et le grain des années 90 confèrent au film une texture documentaire, dont se dégage une certaine mélancolie et poésie.


© The Searchers
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Au centre, il y a Dwayne Johnson, métamorphosé. Ce n’est pas par ses muscles ni par son maquillage qu’il impressionne le plus, mais dans ses silences, ses tremblements, ces instants où la détermination se heurte à la faiblesse. Il abandonne le vernis du héros, laisse filtrer les craquelures. Un personnage au corps endolori et au moral vacillant, empreint de la fureur de celui qui n’a appris à s’aimer qu’à travers la palpitation d’une foule en délire qui crie son nom. Pour l’un des acteurs les plus mainstream de Hollywood, c’est une performance toute tracée - et méritée - pour les Oscars.


Face à lui, Emily Blunt incarne Dawn, sa femme. Elle épouse le chaos de Mark, tour à tour miroir cruel et contrepoint vitalElle aussi est en lutte. Contre l’oubli, contre la douleur, contre sa propre place dans le cœur d’un homme obnubilé par la victoire. Le film laisse chacun juger : épouse exaspérante, ou simplement femme qui aspire à recevoir l’affection qu’elle mérite ? Entre eux, la dépendance s’infiltre. Mark Kerr, autant dopé par les analgésiques que par la performance. Et elle, qui s’accroche à lui, au prix d’une codépendance dévorante. L’un vit pour les fracas, l’autre tente d’aimer malgré les retombées. 


© The Searchers
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Il n’y a pas de montée vers la lumière éclatante, plutôt des oscillations. La douleur n’est pas un décor, c’est le moteur. Mark Kerr peut tout détruire sur un ring, et le plan qui suit, avouer qu’il a l’estomac fragile, converser avec une vieille dame dans une salle d’attente, signer l’autographe d’un petit garçon en le prévenant des dangers de la bagarre, ou chercher un cadeau pour sa copine. Derrière la machine, une vulnérabilité extrême.


Biopic sportif, The Smashing Machine est aussi un film d’amour plein de tendresse et de mélancolie. Le portrait d’un colosse fissuré, d’un couple qui s’étreint dans la tempête, et d’une quête universelle : celle de donner du sens à la vie.



Avec Dwayne Johnson, Emily Blunt, Lyndsey Gavin. États-Unis, 123 minutes. 


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