Armand : une plongée anxiogène dans les couloirs d'une école
- Thibault Scohier
- il y a 10 heures
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Face au synopsis du premier long-métrage d’Halfdan Ullmann Tøndel, on peut s’attendre à une œuvre sociale étudiant les mécanismes scolaires : Elizabeth (Renate Reinsve) est convoquée par l’école de son jeune fils, Armand, qui aurait agressé un autre élève. Or, rien n’est plus éloigné de la réalité. Armand est un film viscéral, décalé, parfois à deux doigts de perdre pied.
Dès le départ, nous sommes plongés dans une ambiance poisseuse – celle d’une journée d’été pluvieuse et étouffante ; les couloirs de l’école craquent, menaçants ; les couleurs elles-mêmes sont à la fois désaturées et trop envahissantes. Plus le temps passe, plus le film se déleste des amarres du réalisme, jusqu’à proposer des visions métaphoriques. Les affects de ses personnages envahissent alors la diégèse, comme avec le bleu d’un projecteur qui change la colorimétrie de l’image ou les scènes de lutte d’Elizabeth chorégraphié comme de la danse.

À travers cette esthétique « expressionniste », le cinéaste questionne la vérité et l’arbitraire. L’histoire tourne autour d’un événement rapporté par et aux différents protagonistes ; personne ne peut dire avec certitude ce qui s’est passé. En revanche, chacun·e l’interprète en fonction de ses propres biais, voire de ses intérêts. L’intelligence du cinéaste norvégien est de ne pas isoler la neuro-atypie d’Elizabeth mais au contraire de montrer l’incommunicabilité à travers une perte de repères générale, qui touche tous les personnages.
Poussant le public dans ses retranchements avec une scène de fou rire difficile à regarder, il donne à l’actrice Renate Reinsve, révélée à l’international par Julie en 12 chapitres en 2021, un nouveau rôle à performance. Armand n’est pas un film aimable, et souffre de quelques longueurs, mais sa capacité à fissurer la réalité pour lui donner du sens est magistral.
Réalisé par Halfdan Ullmann Tøndel (Norvège, Suède, Allemagne, Pays-Bas, 117 minutes) avec Renate Reinsve, Ellen Dorrit Petersen, Thea Lambrechts Vaulen.