Cannes 2025 : Dossier 137, le film à charge contre les violences policières
- Katia Peignois
- il y a 9 heures
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Trois ans après la présentation de La Nuit du 12 à Cannes Première, Dominik Moll revient cette fois en Compétition avec Dossier 137 dans lequel il poursuit sa recherche de vérité avec un sujet hautement inflammable : les violences policières.
Fiction inspirée de faits réels, Dossier 137 plonge dans la journée de manifestations des Gilets jaunes du 8 décembre 2018. Au milieu du chaos, Guillaume Girard (Côme Peronnet), un jeune homme de Saint-Dizier venu manifester à Paris avec sa famille, a été grièvement blessé à la tête par un tir de LBD. Stéphanie (Léa Drucker), une enquêtrice de l'IGPN, la police des polices, est chargée d'établir la responsabilité dans ce dossier.

Rassemblement de témoignages, confrontation des points de vue, analyse audiovisuelle, reconstitution sur les lieux du drame, demande d'informations et rédaction fastidieuse de procès-verbaux et réquisitions, Dominik Moll filme avec suspens et enjeux moraux une enquête minutieuse et obligatoirement rébarbative pour assembler les pièces du puzzle. La réalisation s'appuie sur la fixité des plans et une gestion du champ/contrechamp didactique mais imparable. Dans un contexte de maintien de l'ordre anarchique et brutal, improvisé par un gouvernement dépassé et affolé par la contestation sociale, Dossier 137 s'appuie sur un montage (de Laurent Rouan) de sources protéiformes (images d'actualité et d'archives réelles ou mises en scène, vidéos prises au smartphone en plans verticaux, auditions croisées, arrêts sur image) qui ont un rôle narratif et esthétique et la fonction de contrer les mensonges éhontés débités lors des interrogatoires.
Il y a indiscutablement du courage et de l'engagement dans la démarche de Dominik Moll car il est évident qu'en illustrant à quel point il est difficile (voire impossible) de faire condamner la police, le film ne va ni plaire aux forces de l'odre, ni à toutes les mouvances politiques qui tirent à droite. Et, à cet égard, son film, qui a le mérite d'être en plus efficace et rigoureux, a tout notre soutien. Cependant, en choisissant le point de vue cette enquêtrice intègre de l'IGPN, très bien interprétée par Léa Drucker au demeurant, qui doit composer avec ses dilemmes intimes et professionnels et les pressions internes et externes, le cinéaste reproduit peu ou prou la même erreur que dans La Nuit du 12 en délaissant la victime et en la silenciant. Quand Moll lui rend enfin la parole, il est au fond déjà trop tard. Car, s'il est indéniable que pour s'attaquer aux violences systémiques, il faut comprendre, décortiquer et déconstruire les failles du dit système, il n'empêche que la fiction devrait avant tout opérer un renversement humaniste des rapports de force et ramener l'expérience des sacrifié.e.s au premier plan. En cela, Dossier 137 se heurte aux mêmes limites que la série à succès Adolescence sur Netflix qui abordait les violences masculinistes en négligeant la jeune fille assassinée. Si ces œuvres ouvrent une brèche pour questionner collectivement les inégalités et nos démocraties vacillantes, tant mieux, mais l'on espère que d'autres iront regarder le problème sous un angle différent, et rapidement !
Réalisé par Dominik Moll
Avec : Léa Drucker, Jonathan Turnbull, Guslagie Malanda et Solàn Machado-Graner
France
En compétition officielle