Un océan de corps mouvants
« Ce n’est pas parce que c’est invisible que ça n’existe pas » témoigne une des femmes ayant subi des violences gynécologiques. Pour donner de la visibilité à des personnes qui transpirent d’un besoin vital de s’exprimer après avoir été confrontées à un personnel soignant indifférent à leur ressenti corporel dans le cadre de consultations gynécologiques ou obstétricales, Chloé De Bon alterne entre des moments intimes en tête à tête et en groupe. D’un côté, isolées sur un fond uni, des personnes interviewées racontent leur propre histoire. De l’autre, pour que ces discours fassent écho les uns aux autres, la réalisatrice les rassemble dans un même endroit afin de se réconcilier avec le toucher.
La force d’Echo(e)s tient de l’écoute active de l’autrice, ce qui lui permet de donner l’impression que la mise en scène émane des corps eux-mêmes. Les participant·es se baladent dans ce qui semble être une piscine désaffectée aux tags colorés, comme un vide en soi, autrefois, habité de chaleur. Chloé De Bon les invite à superposer leur récit sur ses murs déjà empreints d’une histoire, en y laissant leur trace par le biais d’un dessin, symbole d’un moment charnière dans leur vie. Les mains lâchent progressivement leur pinceau pour laisser leurs corps tout entier vibrer à l’unisson. À l’écoute de l’énergie qui se transmet d’un corps à un autre, ils apprennent à bouger ensemble au rythme de ce qui les traverse. La démarche de la réalisatrice est honorable étant donné qu’elle accueille leur récit dans le but d’amener celleux qui se sont livré·es à se réapproprier leur corps afin de créer ensemble le début d’une révolte.
En nous montrant aussi ces corps nageants, la réalisatrice insiste sur le pouvoir vivifiant de nos intuitions. Pour que cette piscine puisse se remplir à nouveau, il nous faut faire confiance à nos sensations. Dans une société qui a tendance à valoriser la rationalité au détriment des affects, Chloé De Bon nous transporte dans un univers méditatif où elle ne s'apitoie sur le sort de personne, au contraire, elle fait du récit de chacun.e, un éloge de la vulnérabilité. Echo(e)s invite chacun·e à apprendre à légitimer l’expérience de son corps au quotidien, à la chérir et à en faire une puissance alliée à l’esprit plutôt qu’une entité opposée.
RÉALISÉ PAR : Chloé De Bon
AVEC : Florence Mukabagwiza, Lesly et Constance Cousin, Isabelle Danneels, Jihan Imago, Stella Mugiranez, Joëlle Manighetti, et Yayi Samaké
PAYS : BELGIQUE
DURÉE : 52 MINUTES
Super article, cette critique m'a vraiment donné envie d'aller voir le film! Merci Manon