En s’attelant cette année à l’adaptation de Leurs enfants après eux de Nicolas Mathieu, lauréat du prix Goncourt en 2018, les frères Boukherma prennent une direction en apparence assez inattendue. Dans leur deux premiers longs-métrages (Teddy, L’Année du requin), les frangins s'inscrivaient surtout dans le cinéma de genre, avec une dimension comique et délicieusement décalée. Mais à y regarder de plus près, le choix de leur confier le projet est plutôt cohérent, la réalité des campagnes et des villes de banlieue françaises traversant déjà leurs films précédents. Elle occupe une place de taille dans ce récit d'adolescents en proie au déterminisme social et à violence des pères, dans une France raciste à la veille de la Coupe du Monde 98.
Dans la forme, la couleur est donnée dès les premiers instants. Filmant Anthony (campé par un Paul Kircher décidément toujours impeccable) dévalant à vélo les routes descendantes d’Heillange, petit ville où plane les fantômes de la désindustrialisation et les squelettes métalliques des hauts-fourneaux, les Boukherma évoquent aussi bien les décors de Voyage au bout de l’enfer que la mélancolie d’un Stand By Me.
Mais comment faire tenir la richesse thématique du roman générationnel de Nicolas Mathieu en deux “petites” heures et demie ? Pour cela, les réalisateurs prennent le parti de faire abstraction de la totalité des flash-backs présents dans le livre. Et c’est là que le bas blesse. L’auteur y renforçait significativement la caractérisation de ses personnages et la richesse thématique de son second roman. L’adaptation des Boukherma perd en profondeur ce qu’elle y gagne en dynamisme. Témoignant d’un véritable souffle romanesque, lié à l’influence assumée du cinéma populaire américain des années 80, Leurs enfants après eux déroule respectueusement cette fresque adolescente à l’aide d’un emballage léché, bien qu’un peu trop propret. Le tout se regarde sans déplaisir mais l’on ne peut s’empêcher de constater que face à la grandeur du projet, Leurs enfants après eux manque cruellement de propos et reste trop poli vis-à-vis de l’audace que l’on connaissait des frères Boukherma.
RÉALISÉ PAR : LUDOVIC BOUKHERMA, ZORAN BOUKHERMA
AVEC : PAUL KIRCHER, GILLES LELLOUCHE, ANGELINA WORETH, SAYYID EL AMI
DURÉE : 146 MINUTES
PAYS : FRANCE
SORTIE : LE 4 DÉCEMBRE