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Critique du Deuxième Acte

Le rideau déchiré

Raphaël Quenard et Léa Seydoux
© Case départ distribution

De quoi parle Le Deuxième Acte ? De Florence, qui va présenter son amoureux David à son père Guillaume. Simple, en apparence. Si ce n’est que David, pas amoureux du tout de son côté, compte se débarrasser de Florence en la jetant dans les bras de son ami Willy. Tout ce petit monde se retrouve dans un bistrot paumé au milieu de la cambrousse, Le Deuxième Acte, pour ce qui s'annonce comme une comédie en huis-clos. Sauf qu’en réalité, le film ne parle pas du tout de ça. Ce petit résumé digne d’un vaudeville est un leurre. Très vite, David comme Willy sortent de leur rôle, apostrophent la caméra, ajustent leur répliques et rejouent inlassablement leurs scènes. Après l’émouvant Yannick et le surréaliste Daaaaaali!,  Dupieux revient à la comédie de tournage labyrinthique et méta de Nonfilm, l’un de ses premiers coups d’éclat.


Le Deuxième Acte se plaît ainsi à déployer une succession de mises en abyme où le réel et la fiction vont progressivement se fondre l’un dans l’autre dans une mise en scène volontairement épurée, voire invisible. Au milieu de ce vertige métafilmique, un vaste jeu de massacre où les acteurs et actrices vont écorner leurs images via des dialogues plus provocateurs que d’ordinaire pour le cinéaste. Dialogues qui seront l’occasion d’aborder  pêle-mêle : la cancel culture, la transphobie, les agressions sexuelles, l’homophobie et même l’arrivée de l’intelligence artificielle dans l’industrie. Le terrain est indéniablement glissant et Dupieux frôle la ligne rouge avec insolence. Toutefois, trop malin pour sombrer dans l’idéologie réactionnaire, le film critique surtout l’hypocrisie d’un milieu, à l’image d’un Louis Garrel qui corrige les remarques transphobes de Raphaël Quenard davantage pour préserver sa belle image que par conscience morale. Le long-métrage propose ainsi une expérience stimulante, souvent drôle, qui tisse progressivement une matière rare, un flux, où les différentes invectives s’accumulent puis s’annihilent au rythme du déchirement progressif des lambeaux de réalité.


Aussi amusant soit le projet, aussi bons soient les comédiens - une constante chez Dupieux - on peut néanmoins se demander, à l’heure de la libération de la parole des victimes, à l’heure de la prise de conscience du mal - du mâle ? - qui sévit dans l’industrie, si le Festival de Cannes a vraiment opté pour le meilleur choix en proposant comme ouverture un film si misanthrope, dont la satire se nourrit avidement de problématiques actuelles et importantes.  De notre côté, on n’en est pas certain. 





RÉALISÉ PAR : QUENTIN DUPIEUX

AVEC : LOUIS GARREL, LÉA SEYDOUX, VINCENT LINDON, RAPHAËL QUENARD

PAYS : FRANCE

DURÉE : 80 MINUTES

SORTIE : LE 14  MAI


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