S'aimer à coups et à cris
Peu de choses semblent plus attirantes que l’idée de faire partie des « grands » quand on est adolescent. Eva n’est plus assez naïve pour être une enfant, mais pas encore assez égratignée par la vie pour prétendre au titre d’adulte accomplie. Coincée dans cet âge ingrat, elle ballotte ses désirs, doutes et frustrations dans les rues bétonnées et ensoleillées de San José, au Costa Rica. Des mouvements de caméra aux hésitations de son héroïne, la cinéaste Valentina Maurel raconte dans son premier long-métrage l’adolescence comme un ballottement constant ; un mouvement perpétuel entre deux âges, entre colère et indolence, entre brutalité et insouciance.
Ballottée, Eva l’est aussi entre ses deux parents. Leur divorce est une fracture supplémentaire dans son adolescence. Exaspérée par le chaos de la maison familiale, fuyant sa sœur et méprisant sa mère, Eva déclare vouloir vivre avec son père. Ses soirées de beuverie avec les compagnons de son cercle de poésie paraissent beaucoup plus séduisantes pour la jeune femme en pleine exploration de son identité – et de sa sexualité, qui s’éveille au contact de ces hommes plus âgés. Derrière cette idéalisation se cache une autre forme de violence qui ne dit pas son nom. Pour Eva, le passage à l’âge adulte impliquera de la reconnaître et la nommer. Dans les récents Slalom et Dalva, Charlène Favier et Emmanuelle Nicot ont elles aussi exploré dans leurs premiers opus ce rapport parfois trouble d’une jeune fille à l’amour, au désir et à la sensualité.
Dans ce portrait d’adolescence troublée, Valentina Maurel observe ses personnages sans les juger ni les psychanalyser. « On s’aime à coups, à cris » : Tengo Sueños Eléctricos, qui tient son titre de vers déclamés en voix off par son héroïne, mêle la brutalité de la vie à la douceur mélancolique de la poésie.
RÉALISÉ PAR : VALENTINA MAUREL
AVEC : DANIELA MARÍN NAVARRO, VIVIAN RODRIGUEZ, JOSÉ PABLO SEGREDA JOHANNING, REINALDO AMIEN
PAYS : BELGIQUE, COSTA RICA, FRANCE
SORTIE : LE 3 MAI