L’Inconnu de la Grande Arche : l’érosion d’un rêve en béton
- Lily Martin
- il y a 3 jours
- 2 min de lecture
Portrait passionné et passionnant d’un architecte que le temps a oublié.

Après Architecton et The Brutalist sortis plus tôt cette année, c’est au tour de L’inconnu de la Grande Arche de nous parler avec passion d’architecture. Familier du sujet, puisqu’il a passé quelques années à réaliser des commandes de films d’architecture, le cinéaste Stéphane Demoustier (La fille au Bracelet, Borgo) est tout désigné pour dresser le portrait de l’inventeur du bâtiment-symbole de la Défense de Paris : Johan Otto von Spreckelsen.
Puisant son scénario dans le roman-enquête La Grande Arche de Laurence Cossé, le film dresse le portrait de ce Danois, étonnant gagnant en 1983 d’un concours international d'architecture organisé par le gouvernement français. Jusqu’alors inconnu du grand public, von Spreckelsen voit son programme ambitieux perturbé par les changements politiques d’alors.

L’architecte enseignant à Copenhague est incarné par un Claes Bang (The Northman, Bonjour Tristesse) montrant à merveille le dépaysement et la frustration face à l’absurdité de la bureaucratie française, qu’il retrouve dans les personnages historiques de Paul Andreu (Swann Arlaud) et Jean-Louis Subilon (Xavier Dolan). Le courant ne semble passer qu’avec François Mitterrand (Michel Fau). Tout le casting parvient brillamment à faire sentir les tensions entre les conditions matérielles difficiles à réunir et le rêve d’un inventeur perfectionniste.
La mise en scène n’est pas en reste : les matériaux choisis par von Spreckelsen prennent autant de place dans le développement de la narration qu’à l’écran, nous faisant presque sentir le marbre sous la paume de la main. Sources de désaccord, le verre comme la pierre deviennent des moyens de nous emmener au cœur de Paris où sont travaillés les éléments dans des scènes de chantier impressionnantes et immersives, mais aussi en voyage en Italie où l’on découvre la matière à l’état brut, trésor aux yeux de Johan. Demoustier parvient ainsi à nous faire voir le monumental du projet dans l’esprit du créateur, pour qui le minéral semble devenir organique tant l’Arche est chargée en émotions.

Finalement, le projet est moins au centre du film que le bâtisseur lui-même, contrairement au roman dont il est adapté. Le réalisateur se permet même l’invention de Liv von Spreckelsen (Sidse Babett Knudsen), l’épouse de Johan. Ce personnage imaginé, loin d’être une addition gratuite, donne au public un accès privilégié aux conflits internes qui traversent l’architecte : quelle place laisser dans sa vie à un tel chantier ? Demoustier, sans proposer une réponse univoque à cette question, nous offre le trajet imposant et tragique que fut la construction de l’Arche – et surtout le cheminement de son créateur.
Avec Claes Bang, Xavier Dolan, Swann Arlaud. France/Danemark, 106 minutes. Sortie en salle le 19 novembre.
