La Disparition de Josef Mengele : entre horreur et grotesque
- Julien Del Percio
- il y a 11 minutes
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Depuis le flamboyant Leto, qui louait l’émergence du rock dans le décorum bétonné de l’URSS, le cinéaste Kirill Serebrennikov s’est attelé à raconter une sorte de “contre-histoire”, où les grands mouvements politiques occupent la toile de fond de destinées très marginales, voire franchement punk. Après l’exploration de la face sombre de Tchaikovski dans La Femme de Tchaïkosvki et les péregrinations du romancier underground Limonov dans le film éponyme, le voici face à un personnage autrement plus abject : Josef Mengele, surnommé “l’Ange de la mort d’Auschwitz”, docteur nazi tristement réputé pour ses expériences abominables sur les prisonniers du camp.
Adapté du roman français d’Olivier Guez, ce nouveau biopic aligne différentes temporalités mais se focalise (presque) exclusivement sur “l’après-Auschwitz”, décrivant Mengele dans sa fuite en Argentine et au Brésil. Dans ce rôle ardu et hautement antipathique, August Diehl impressionne, notamment dans ses élans plus grotesques.

De grotesque, il sera d’ailleurs fortement question tout au long du film. Serebrennikov dépeint Josef Mengele comme un personnage pitoyable et excessif, grignoté par la haine, incapable d’accepter l’échec de sa nation. Ce n’est pas un hasard si les deux seules séquences en couleur se déroulent à Auschwitz : pour Mengele, il s’agit du pinacle de sa gloire, son âge d’or. Hélas, cet artifice affiche aussi les limites du regard de Serebrennikov, dont la réalisation se dissout dans la provocation facile - des images gores dispensables, une certaine vulgarité - et l’afféterie formelle - plan-séquences tarabiscotés, scènes d’hallucinations, regard-caméra, etc. Si le scénario tente bel et bien de nous raconter la lente décrépitude d’un lâche, la mise en scène, elle, flirte trop souvent avec une fascination morbide, comme si tout cela n’était qu’un jeu pour le cinéaste.
Avec August Diehl, Dana Herfurth, Friederike Becht. France/Allemagne, 135 minutes.