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Exit 8 : sortir de la boucle

Le réalisateur japonais Genki Kawamura signe avec Exit 8 un film de genre diablement efficace.


© Paradiso Films
© Paradiso Films

Imaginez un couloir de métro couvert de carrelage blanc, de quelques posters et d’une ou deux portes de service. Imaginez que chaque fois que vous essayez d’en sortir, en suivant le chemin fléché vers la sortie n°8, vous vous retrouviez devant le même couloir. Encore et encore.


Sorti en en novembre 2023, le jeu vidéo The Exit 8 a connu un petit succès d’estime. Avec son concept assez simple (il  faut sortir d’une boucle spatio-temporelle), il n’était pas un candidat naturel pour une adaptation cinématographique. Comment garder le public captivé, pendant plus d’une heure, devant une scène qui se répète à l’infini et sans l’interactivité qui fait le sel des jeux vidéo ? Le cinéaste Genki Kawamura a brillamment répondu à la question.


Son Exit 8 commence avec une scène en vue subjective, filmée en plan-séquence, qui pose tous ses enjeux. Le protagoniste est un jeune Japonais qui doit rejoindre sa petite amie à l’hôpital… mais se trouve piégé dans un espace aux règles à la fois claires et vicieuses, largement inspiré de l’esthétique liminaire(1). En jouant en permanence sur les points de vue et en ajoutant, au tiers du long-métrage, un joli twist, le cinéaste parvient à renouveler en permanence un concept qui aurait pu s’épuiser rapidement.


© Paradisio Films
© Paradisio Films

Même s’il se présente comme un film fantastique, parfois à la limite de l’horreur et centré sur le divertissement, Exit 8 ancre aussi ses péripéties dans des thèmes forts de la société japonaise contemporaine : l’individualisme, le vieillissement de la population, la déshumanisation… On peut regretter quelques effets spéciaux moyens, des ficelles scénaristiques parfois un peu faciles et surtout une parabole sur la parentalité déjà vue mille fois. Mais cela ne pèse pas grand-chose devant l’efficacité et la maîtrise du film.


Il faut reconnaître au cinéma indépendant japonais une capacité assez impressionnante à produire des œuvres dénuées de cynisme et qui se prennent au sérieux. La cruauté incompréhensible de la boucle d’Exit 8 n’est pas gratuite, elle n’est pas produite pour le plaisir de nos yeux. Le long-métrage arrive à nous faire sentir qu’elle n’est que le reflet de la cruauté de la société elle-même. Et si la morale est somme toute assez attendue, avec la prise de conscience que nos choix nous définissent, elle touche juste. Si nous sommes pris dans une boucle, nous avons le pouvoir et l’intelligence d’en sortir.



(1) Issu de l'imaginaire d'Internet, les espaces liminaux sont des lieux familiers ou reconnaissables, souvent déserts et déformés par des anomalies, plus ou moins terrifiantes.


Avec : Kazunari Ninomiya, Yamato Kōchi, Naru Asanuma, Nana Komatsu. Japon, 95 minutes.


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