La Petite dernière : portrait tendre d'une identité complexe
- Katia Peignois
- il y a 12 minutes
- 2 min de lecture

Après deux longs-métrages très personnels (Tu mérites un amour et Bonne mère), Hafsia Herzi adapte l’autofiction de Fatima Daas. Au travers d'un récit fragmenté, on découvrait l'identité multiple d'une jeune femme musulmane, d'origine algérienne, asthmatique et lesbienne dans la France contemporaine.
Dans son adaptation, la réalisatrice traduit le déchirement intime de Fatima (la révélation Nadia Melliti) sans essentialiser le rapport à la foi de sa protagoniste. La coexistence des désirs de Fatima et de son attachement à ses croyances convoque un besoin d’émancipation qui passe d’abord par l’apprentissage d’une estime de soi. La cinéaste y intègre des éléments qu'elle connaît viscéralement : la famille issue de l'immigration postcoloniale, la cité, la place centrale de la mère, la pudeur et l'importance de l'école pour s’affranchir.

Œuvre de liberté et d'amour contrarié, La petite dernière ne tombe pas dans les écueils du drame qui lui tendaient pourtant les bras, ce qui décuple la puissance des tiraillements de Fatima. Chez Hafsia Herzi, tout vit, tout bouge, et rien ne paraît mécanique. À cet égard, le travail sur le texte et les dialogues est en ébullition constante, jamais cadenassé — comme un antidote à un certain naturalisme francophone qui ne laisse plus respirer sa langue. Le premier rendez-vous entre Fatima et Ji-Na (exceptionnelle Park Ji-Min) dégage un flux romantique et un sens du romanesque grâce aux couches d'interprétation des actrices et à la caméra en osmose qui les capte. Du reste, le cadrage et l'usage des couleurs — dans la scène d'introduction de Fatima et dans celles des soirées LGBTQIA+, par exemple — revitalisent le vérisme et le percent même par endroits de visions oniriques hantées, tandis que le brillant montage de Géraldine Mangenot renvoie par des échos discrets à la narration entêtante de Fatima Daas.
La beauté de La petite dernière tient aussi au regard tendre que la cinéaste pose sur ses personnages et qui guide ses choix d’adaptation : la relation avec Ji-Na a pris une tournure plus bouleversante et les seconds rôles sont toujours traités avec respect. Hafsia Herzi impose ainsi sa voix, éblouissante et pleine d’intégrité.
Avec Nadia Melliti, Park Ji-min, Amina Ben Mohamed. France, 107 minutes.