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Rencontre avec Charlotte Wells, réalisatrice de l'émouvant Aftersun


© September Films

Une fille de onze ans et son père. Des vacances ensoleillées et complices en Turquie. Ou plutôt le souvenir de celles-ci, chargées de sentiments contradictoires. Avec ce premier long-métrage, qu’elle décrit comme "émotionnellement autobiographique", la réalisatrice écossaise Charlotte Wells a fait, à sa grande surprise, sensation. Plébiscité de toute part, ce film audacieux, singulier et profondément émouvant arrive ce 1er février dans les salles belges. Rencontre avec son autrice.



Un des éléments les plus caractéristiques d’Aftersun, c’est qu’il n’y a pas vraiment de conflit, de personnages qui se crient dessus, etc. Mais ce n’est pas simplement une tranche de vie : on sent que quelque chose d’autre se joue.

Une des plus importantes réécritures que j’ai réalisée a été d’enlever la plupart des conflits du film. Je ne voulais pas porter à l’écran une relation qui deviendrait authentique au fur et à mesure du film, je voulais représenter dès la première scène une relation affectueuse, intime et proche. C’était important pour moi qu’il n’y ait pas de conflit construit ou artificiel. La tension du film devait venir d’ailleurs, en l’occurrence : que se passe-t-il avec Callum, comment voit-on les choses troubles qui s’accumulent autour de lui, et vers quoi cela tend.


Craigniez-vous que le film et sa fin, que nous ne révélerons pas, ne soient pas compris par le public ?

Honnêtement, je pensais que ça échapperait à la plupart des gens. Jusqu’ici c’est ce qui est arrivé avec mes courts-métrages : la plupart des gens ne comprennent pas, mais ceux que ça touche sont vraiment touchés. À choisir, je préfère systématiquement approfondir la connexion que le film crée avec certaines personnes plutôt que d’essayer de toucher tout le monde de manière vague. Aucun film, aucune œuvre d’art n’est faite pour tout le monde. Ça ne m’intéresse pas de toucher tout le monde. Mais le film a touché bien plus de personnes que je ne l’imaginais. Ceci étant dit, certaines personnes ne l’ont tout de même pas compris, et pensent que c’est un film ennuyeux sur des vacances où il ne se passe rien… ce qui me rassure quelque part ! On a réalisé le film que je pensais (rires).


J’imagine qu’il n’est pas évident qu’un film aussi personnel et aussi intime soit vu et discuté par tant de personnes…

Le film a été vu par bien plus de gens que nous l’imaginions et il en a touché bien plus que nous le pensions. Ce succès, on ne l’a pas vu venir. Le plus difficile c’est que beaucoup de personnes cherchent à établir des liens directs entre le film et ma vie. C’est une œuvre personnelle, ça ne fait aucun doute, mais je dois presque lutter pour me différencier des personnages et convaincre les gens qu’il s’agit d’une fiction. Ce n’est pas autobiographique, même si le deuil que le film exprime est au final le mien. Naviguer ces derniers mois et ces réactions a été une expérience très enrichissante. On oublie parfois lorsqu’on réalise un film qu’il va être vu par des gens !


Qu’est-ce qui vous a surpris dans le succès du film ?

Je n’avais pas prévu que le film allait parler autant aux pères, et pas juste aux filles. Mais je ne sais pas pourquoi Aftersun a rencontré ce succès. J’imagine que la représentation de la parentalité, le mystère qui entoure nos parents, est un thème plus universel que je ne présumais. Je pense aussi que les jeunes d’aujourd’hui sont plus à l’aise pour parler de problèmes de santé mentale. Mais je suis ouvert à toutes les hypothèses.


Frankie Corrio, dont c’est le premier film, et Paul Mescal, sont tous les deux très talentueux. Mais ils sont peut-être encore plus impressionnants lorsqu’ils sont ensemble, fille et père, il y a une vraie alchimie entre eux. Comment en tant que cinéaste s’assure-t-on que ses interprètes " fonctionneront " à l’écran ?

C’est très difficile de prévoir avec certitude si cette alchimie sera présente. Ils se sont rencontrés par Zoom avant que le casting soit finalisé, ce qui ne suffit pas pour être sûr. Mais à ce stade-là, je les avais vus suffisamment chacun de leur côté pour savoir qu’ils étaient extrêmement talentueux et dévoués au projet. À la suggestion de mon directeur de casting, j’ai demandé à mes producteurs pour qu’ils puissent passer deux semaines ensemble avant le tournage, et fort heureusement, ça a été possible. Pendant ces deux semaines, ils ont construit une relation authentique. Les voir se rapprocher était vraiment spécial. Dans le scénario, il y a un passage qui dit "Son bras se reposait sur elle avec une intimité naturelle". C’est facile à écrire, mais très difficile à obtenir. C’est une des dernières scènes que nous avons tournée, et à ce moment-là leur proximité était telle qu’elle s’est vraiment endormie sur lui.



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