Un candidat presque parfait
Le cinéma d'Albert Dupontel a toujours eu le chic pour allier un côté populaire à une certaine singularité visuelle. Ses exubérances de mise en scène ont permis à l'acteur et réalisateur de nourrir un amusement sincère dans ses fictions en conservant un regard politique soutenu. Tout en étant nourrie d'une vive colère envers une économie cynique de la guerre, son adaptation du prix Goncourt, Au-revoir là-haut, a ainsi conquis le public et la critique. Son Adieu les cons résonnait également comme un cri anarchiste, ébranlant sa mise en scène avec une certaine émotion. Second tour peut alors laisser circonspect si l'on attend de cette enquête journalistique sur un candidat à la présidence française une critique acide du système politique actuel.
Les premiers plans lors d’un meeting présidentiel, introduisant ce candidat dans les reflets de couleurs du drapeau français, laissent pourtant présager un film mordant. Le poids imposé au personnage est lourd tout comme cette démultiplication de plans sur lui, nous obligeant à le scruter d’autant plus. Mais l’intrigue va soudain mettre de côté ce questionnement médiatique mené par les journalistes - un basculement annoncé mais néanmoins surprenant par la candeur qui y transparaît. Le propos politique devient fragile, à l'instar de la mise en scène, à l’esthétique très marquée. Dupontel n'hésite ainsi pas à aller vers une artificialité assumée, comme ces plans aux effets numériques forts visibles.
On repense alors à son personnage d'Au revoir là-haut, demandant à un autre protagoniste “d'en faire trop”. Albert Dupontel fait pareil dans son écriture et sa mise en scène avec ce film, allant parfois vers une forme de démonstration. Mais est-ce réellement un mal ? La question se pose tant on sent le plaisir qu'a le réalisateur à décaler son récit vers l'absurde pour mieux retomber dans un sentimentalisme quasi naïf. Cette quête d'une pureté d'émotion a beau être précaire (les rapports entre la journaliste incarnée par Cécile de France et le candidat joué par Albert Dupontel le démontrent bien), il en sort quelques points touchants, notamment dans une certaine relation se révélant comme le véritable cœur du récit. L'opposition du film à un système déshumanisant n'en est que plus flagrante encore, exhortant un retour à l'humain avec un ton quasi sacrificiel tout en conservant une forme d'espoir.
Voilà donc tout le paradoxe de ce Second tour, film résolument intéressant par ce qu’il propose avec sincérité et par ce qu’il échoue parfois à incarner. Les idées visuelles pleuvent et ce en dépit de trucages plutôt inégaux, voire même trop apparents. Les ficelles ont beau paraître grosses par moments, il reste tout ce qui fait du cinéma de Dupontel : cet équilibre précaire entre rage populaire et sentimentalisme sincère. Même si l’on sort partagé de Second tour, de par ses partis pris et ses orientations visuelles et narratives, il reste cette envie d’y revenir. Peut-être est-ce l’exemple qu’il vaut mieux parfois en faire trop, quitte à ce que le résultat ait autant de défauts criants que de fulgurances.
RÉALISÉ PAR : ALBERT DUPONTEL
AVEC : CÉCILE DE FRANCE, ALBERT DUPONTEL, NICOLAS MARIÉ, BOULI LANNERS
PAYS : FRANCE
DURÉE : 95 MINUTES
SORTIE : LE 1er NOVEMBRE
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