L'histoire en spectacle
Par ses moyens, par sa popularité et par sa puissance, le cinéma construit notre manière d’imaginer le passé. En bien comme en mal : il peut simplifier excessivement notre façon de percevoir l'Histoire, tout comme il peut faire découvrir au public des époques et des cultures méconnues. À cet égard, The Woman King, superproduction hollywoodienne portée par Viola Davis, est un cas fascinant. Prenant place en 1823 en Afrique de l'Ouest, le film nous raconte comment les Agojies, une unité de guerrières peut-être plus connues sous le nom d’Amazones du Dahomey, ont défendu leur Royaume contre les colonisateurs et d'autres tribus de la région.
Inutile de le dire, ce n'est pas le genre de récit qui apparaît fréquemment dans les cours d’Histoire. Par ses personnages et par sa situation géographique, The Woman King n'est pas non plus le genre de films que les studios américains ont pour habitude de produire. N'allez cependant pas croire qu’il sort complètement des normes : son casting fait de lui une exception, mais les ficelles utilisées par sa réalisatrice, Gina Prince-Bythewood (The Old Guard), sont indéniablement hollywoodiennes. Entre scènes d'entraînements et grands discours, retournements de situation et batailles dantesques, le récit suit un chemin plutôt conventionnel dans sa route vers le spectacle épique.
À vrai dire, The Woman King n'est pas très éloigné de fresques historiques comme Gladiator ou Braveheart. Comme elles, cette nouvelle production réécrit l'Histoire en prenant de sacrées libertés avec les faits, notamment en présentant les Agojies comme anti-esclavagistes alors que leur rôle dans le commerce des esclaves est beaucoup plus complexe. Cette apparente simplification a valu au film de multiples reproches et même un boycott, avant sa sortie. Ces réactions étaient-elles justifiées ? Il y a indéniablement une certaine glorification du Royaume du Dahomey, mais le long-métrage se confronte aussi à certaines facettes moins reluisantes de cette monarchie. Peut-être est-il injuste de reprocher à ce film en particulier de ne pas saisir toutes les nuances du passé, là où d'autres œuvres ont pris des libertés plus grandes encore.
Il est clair en tout cas que le long-métrage se veut une source d'inspiration pour le public. À cet égard, The Woman King est plutôt une réussite : la réalisatrice nous offre des scènes d'action lisibles, puissantes et captivantes, qui donnent à chacune de ses héroïnes l'opportunité de briller. Au champ d'honneur, la gloire revient à Viola Davis, dont la meilleure arme n'est pas une lance, mais ses yeux : tantôt foudroyants, tantôt chargés d'émotions contenues. Au côté de l’actrice en chef guerrière, Lashana Lynch et Thuso Mbedu ne déméritent pas, s’affirmant avec charisme.
Seul reproche peut-être : les multiples actrices et acteurs réunis pour l’occasion s'expriment en anglais avec des accents ouest-africains forts différents les uns des autres, brisant parfois l’illusion de leurs performances. En revanche, le monde que leurs personnages habitent est parfaitement crédible, foisonnant de détails qui dessinent les contours d’une société complexe. Le soin apporté aux costumes, aux armes et à l'architecture de ce peuple y est pour beaucoup, porté par un désir apparent de rendre justice à cette culture et à sa beauté.
Divertissement efficace et fréquemment puissant, The Woman King n’est peut-être pas la révolution attendue à Hollywood. Mais se plonger dans son univers et vivre avec ses personnages reste une expérience galvanisante. Au-delà de ses inexactitudes et de ses conventions, le film ressemble à une porte d’entrée vers d’autres univers et surtout vers d’autres histoires, qui n’attendent que d’être racontées.
RÉALISÉ PAR : GINA PRINCE-BYTHEWOOD
AVEC : VIOLA DAVIS, THUSO MBEDU, LASHANA LYNCH, SHEILA ATIM ET JOHN BOYEGA
PAYS : ÉTATS-UNIS
DURÉE : 135 MINUTES
SORTIE : LE 12 OCTOBRE
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