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Dreams : une chronique hivernale et littéraire

Après Love et Sex sortis cet été, Dag Johan Haugerud clôture sa Trilogie d’Oslo avec Dreams, Ours d’Or à la Berlinale.


Dreams de Dag Johan Haugerud
© September Film

On comprend aisément pourquoi ce troisième opus a attendu l’automne pour s’épanouir sur nos écrans. Alors que les deux premiers films témoignaient d’un spleen assez estival - les trajets en ferry qui étaient l’occasion de rencontres sentimentales dans Love, les discussions sur les toits éclairés par la lueur du soleil dans Sex - Dreams nous immerge dans une atmosphère hivernale, propice aux chocolats chauds et aux gros pulls duveteux. La laine joue d’ailleurs un rôle essentiel dans le récit : c’est par l’entremise du tricot que Johanne, adolescente de dix-sept ans, va se lier à sa professeure, Johanna, pour laquelle elle éprouve d’intenses sentiments amoureux. Après les cours, une fois par semaine, la jeune fille va se rendre chez son enseignante pour apprendre à filer la laine, dans un climat romantique, voire sensuel… À moins que tout ceci ne soit qu’une vaste rêverie de Johanne, juchée trop haut sur son petit nuage de fantasmes et d’amour.


Cette relation, réelle ou non, elle le raconte sous la forme d’un court roman à la première personne, dans une tentative de capturer ces émotions inédites pour elle. Ses mots accompagnent le récit, dans une démarche qui distingue le film des deux autres opus - bien qu’assez verbeux, ni Love ni Sex n’avaient recours à une voix-off. 


Dreams de Dag Johan Haugerud
© September Film

Les choses vont prendre une nouvelle tournure lorsque Johanne va montrer son manuscrit à ses proches : à sa tante, poétesse sur le déclin, et sa mère, à laquelle elle se confie peu. À partir de cet instant, l’intrigue de Dreams se ramifie. La lecture du roman va occasionner une série de saynètes qui vont interroger différents degrés de cette liaison étonnante. La professeure a-t-elle manipulé son élève ? Quelle est la part de fiction dans ce récit ? Le texte en lui-même mérite-t-il d’être publié ? À l’instar des deux autres films de la Trilogie, Dreams frôle parfois la dispersion, surtout lorsqu’il s’épanche sur certaines interactions - notamment ce dialogue entre la tante un peu amère et son éditrice enthousiaste face au texte de sa nièce. Mais cette cascade de réflexions périphériques montre surtout à quel point les adultes semblent sourds face à la pureté et à la puissance des premiers émois.


Le long-métrage n’est en réalité jamais aussi fort que lorsqu’il s’attache à restituer le vertige du sentiment adolescent. Lors d’une séquence mémorable, Johanne narre son trajet hebdomadaire chez Johanna. À cet instant, Haugerud prend enfin le temps de filmer la ville : la montée de quelques volées d’escalier et d’un pont en verre se mue en une magnifique ascension, tandis que la réverbération mordorée des lampadaires diffuse une lumière nostalgique, chaleureuse, presque irréelle. Les compositions jazzy et planantes d’Anne Berg contribuent à élever cette simple balade plus haut, comme un nouveau sommet pour Johanne. Son quotidien est transfiguré. 


Telle est sans doute l’idée-maîtresse du projet d’Haugerud : sa Trilogie raconte moins Oslo que la manière dont la ville est magnifiée par le regard de celleux qui y vivent.



Avec Ella Overbye, Selome Emnetu, Ane Dahl Torp. Norvège. 110 minutes.


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