Les filles désir : un premier long-métrage fébrile
- Raissa Alingabo Yowali M'bilo
- 22 juil.
- 2 min de lecture

D’abord, il y a ce titre volontairement agrammatical, qui apparaît en grand, couleur fuschia, sur l’écran. On pourrait y voir une volonté un peu trop soulignée et maladroite de se démarquer ou une manière d’induire d’emblée le caractère singulier du film, d’une tendre et joyeuse exubérance, comme les jeunes qu’il met en scène.
Avec son premier long-métrage, Prïncia Carr nous plonge au cœur d’une Marseille lumineuse, populaire et vibrante, celle d’une bande d’amis soudée et des quartiers Nord. On s’aime, on se vanne, on traîne ensemble à longueur de journée que ce soit au bord de l’eau sous un soleil caniculaire, à la foire du coin ou au centre aéré géré par la clique.
Cette famille choisie a ses repères et ses rôles: Oumar en est le leader respecté, le grand frère qui tente d’être exemplaire coûte que coûte, aussi débordant de douceur que piégé par des codes virilistes. Il va épouser Yasmine solaire et aimante, archétype d’une fille “convenable”, la seule à être acceptée dans le cercle masculin. Puis un jour, Carmen, l’amie d’enfance devenue travailleuse du sexe, débarque et c’est toute une bulle qui implose.

On pourrait craindre au départ que le film soit par trop attendu ou déforcé par une conception binaire, stigmatisante et persistante de la féminité, dictant aux femmes leur manière de pouvoir être libre et désir. Mais au cours de son évolution, l'œuvre de Prïncia Carr évite de justesse, ces écueils.
Elle a l’intelligence de poser à la fois un regard sans jugement sur les idées préconçues qui façonnent encore nos identités, nos sexualités; et sur les contradictions et tiraillements qui questionnent ces modèles établis. L’amitié qui finit par lier Yasmine et Carmen s’avère être le grain de sable salutaire dans la mécanique des stéréotypes. Si on peine d’abord à savoir où il nous mène, Les Filles désir parvient finalement à toucher par son regard à la fois fébrile et puissant d’authenticité.
Réalisé par Prïncia Carr (France, 93 minutes) avec Housam Mohamed, Leïa Haïchour, Lou Anna Hamon.