Mission Impossible, F1...Les cascades sauveront-elles Hollywood ?
- Julien Del Percio
- 21 mai
- 4 min de lecture
En mai et juin sortiront Mission : Impossible - The Final Reckoning et F1, deux mastodontes hollywoodiens menés par deux supers stars - Tom Cruise et Brad Pitt - qui partagent une promesse similaire : offrir un spectacle riche en adrénaline reposant en grande partie sur d’impressionnantes cascades filmées sur le plateau.

Même en étant éloigné du cinéma à grand spectacle, il y a peu de chances que cette info vous ait échappée : Tom Cruise fait ses cascades lui-même - à quelques doublures près. Depuis le triomphe de Mission : Impossible 4 et sa mémorable ascension d’une tour à Dubaï, chaque opus est devenu le prétexte à une nouvelle prouesse pour l’acteur casse-cou. Ainsi, lors des épisodes 5, 6 et 7 (tous réalisé par Christopher McQuarrie) nous avons pu voir pêle-mêle : Tom Cruise s’accrocher à la carlingue d’un avion en plein décollage, Tom Cruise retenir sa respiration sous l’eau pendant 10 minutes, Tom Cruise conduire un hélicoptère de combat, ou encore, Tom Cruise bondir à moto depuis une falaise puis sauter en parachute. Ces exploits sont progressivement devenus le fer de lance de la franchise, à tel point que les featurettes et autres making-of, qui insistent avec emphase sur le degré de préparation des cascades réalisées, ont supplanté les traditionnels trailers dans la campagne marketing. Une démarche qui a fait largement ses preuves au box-office, poussant Tom Cruise à décliner ce modèle avec une autre de ses franchises cultes : la suite de Top Gun, Maverick. Pour cet opus, la promotion n’a pas mis l’accent sur une cascade en particulier, mais sur une méthode générale : le tournage s’est déroulé dans les cieux, avec de vrais avions de chasse dans lesquels les acteur·ices ont véritablement pris place - sans les conduire, évidemment. C’est dans une atmosphère similaire que Joseph Kosinski, déjà metteur en scène de Maverick, a réalisé F1. Le nouveau blockbuster produit par Apple TV et porté par Brad Pitt promet ainsi des courses de Formule 1 filmées comme jamais auparavant, avec une amélioration du système de caméras embarquées déjà utilisé dans Maverick. Dans une featurette, le pilote Lewis Hamilton nous dit : “c’est le film de course le plus authentique jamais fait.” Le ton est donné.

À l’heure où une immense majorité des productions hollywoodiennes reposent sur le tout numérique, avec des résultats souvent fades - il suffit de voir les incrustations immondes du dernier Minecraft - l’attrait des cascades exécutées sur le plateau est indéniable et pourvoit effectivement son lot d’images spectaculaires. Difficile ainsi de ne pas écarquiller les yeux face aux loopings aériens des F16 dans Top Gun 2 ou lors de l’ascension de la plus haute tour du monde à Dubaï dans MI4. L’engouement pour ce type de performance est d’ailleurs si grand que l’Académie a décidé de créer un nouvel Oscar récompensant les meilleures cascades/chorégraphies pour 2027. Pourtant, derrière les exploits bien réels, le bien-fondé de cette démarche mérite d’être nuancé.
CGI : Mission invisible
D’abord, parce que malgré l’authenticité des scènes d’action, les cascades des derniers Mission : impossible sont souvent retravaillées en post-production. C’est particulièrement le cas du fameux plongeon en parachute au-dessus de Paris dans le sixième opus, où le caméraman a dû sauter à la suite de Tom Cruise pour capturer la chute libre en un seul plan-séquence. Des images impressionnantes, qui sont hélas défigurées dans le long-métrage, notamment lorsqu’un éclair en CGI vient frapper le personnage d'Henry Cavill, surenchère peu nécessaire qui dénature le vertige de la prouesse originelle. Une sensation qui se prolonge dans le septième opus, où la portée des sauts à moto et autres locomotives jetés dans le vide se trouve constamment amoindrie par la présence entêtante d’un numérique trop visible. D’où l’impression paradoxale de trouver les making-of plus fascinants que le résultat final…

Le cas de Top Gun 2 est plus complexe. Ici, aucun mauvais effet spécial ne vient entacher le plaisir du spectacle et l’on serait tenté d’y voir un blockbuster effectivement tourné sans artifice numérique. Pourtant, en 2022, Maverick a bel et bien été nommé aux Oscars des meilleurs effets visuels. Normal, étant donné qu’il en contient… 2400, soit presque autant que Spider-Man : No Way home, aussi en lice cette année-là. Cela ne constituerait évidemment pas un problème si le travail des équipes était reconnu à sa juste valeur. Sauf que ces 2400 plans en CGI ne résonnent pas avec le narratif mis en place par le studio, qui souhaite avant tout mettre en valeur le Tom Cruise pilote-star-actioner et la réalité des engins utilisés. Un traitement injuste, dans la mesure où le labeur de l’équipe des effets visuels est d’autant plus époustouflant qu’il est quasiment imperceptible au sein du film.

L’impasse de l’action
Tom Cruise et Joseph Kosinski ne sont évidemment pas les seuls garants de l’authenticité au sein de la machine à grand spectacle. La franchise John Wick repose en grande partie sur les hauts faits martiaux de Keanu Reeves, tandis que Christopher Nolan n’en finit plus de prôner l’usage de la pellicule et des effets analogiques - comme le mécanisme qui permettait de faire vriller un couloir sur lui-même dans la fameuse scène d’action onirique d’Inception. Derrière ces approches, il y a évidemment des artistes nostalgiques, dont la vision s’accorde mal avec les fonds verts et les outils numériques, qui réduisent la matérialité des tournages. Pourtant, on aurait tort de balayer d’un revers de main toutes les démarches à base d’imagerie en CGI. Déjà, parce que celle-ci a montré qu’elle pouvait faire des merveilles lorsqu’elle était incorporée avec intelligence et talent, au service d’un véritable point de vue d’auteur - voir Avatar, La Planète des singes ou encore les récents Dune. Ensuite, parce que l’illusion, et l’artifice qu’elle sous-tend, se trouve au cœur du septième art depuis ses balbutiements : nous n’avons pas besoin de savoir que tout est vrai, l’important est d’y croire. Finalement, des films comme Top Gun : Maverick et leur campagne marketing un brin opportuniste constituent, à leur manière, un autre aspect du fantastique manège à simulacre qu’est Hollywood. Il n’appartient qu’à nous d’en scruter les failles, ou de simplement fermer les yeux.