On vous croit : comment dénoncer au cinéma les violences judiciaires faites aux mères et aux enfants ?
- Camille Wernaers
- il y a 4 jours
- 2 min de lecture

Dans leur premier long-métrage, les réalisateurices belges Arnaud Dufeys et Charlotte Devillers se penchent avec justesse sur le traitement judiciaire des violences sexuelles et familiales.
En 2022, le magazine féministe axelle publiait une longue enquête révélant la façon dont les institutions belges peuvent se retourner contre les mères qui dénoncent l’inceste commis par le père de leurs enfants. Les témoignages récoltés montraient un renversement total des responsabilités, et décrivaient comment les mamans protectrices deviennent subitement l’objet de toutes les suspicions, notamment de la part de la justice. Lors de la sortie de l’article, l’une des mères interrogées avait même perdu la garde de ses enfants au profit du père, et ce malgré les accusations qui pèsent sur lui, et qui inciteraient pourtant à adopter une certaine prudence.

C’est précisément à ce difficile sujet de société qu’ont décidé de s’attaquer frontalement les réalisateurices belges Charlotte Devillers et Arnaud Dufeys dans leur premier film, ironiquement intitulé On vous croit. Car ce drame judiciaire expose dans le détail les mécanismes mis en place pour faire douter de la parole des mères et des enfants, en concentrant toute son attention sur Alice (Myriem Akheddiou), une maman en lutte pour protéger sa fille et son fils (Adèle Pinckaers et Ulysse Goffin). Dans une durée relativement courte, et à l’aide de gros plans sur les visages des différent·es protagonistes, la tension monte jusqu’à une longue scène d’audience pour la garde des enfants qui permet au public de mieux comprendre ce qui se joue dans ces affaires. Chargée d’émotions, l’interprétation sensible de Myriem Akheddiou ne peut que susciter l’empathie, alors qu’elle est obligée d’entendre les arguments de la partie adverse, dont ceux attaquant sa santé mentale.

Mais le long-métrage ne fait pas l’impasse sur ses mots à elle, puisque le film, qui ressemble à s’y méprendre à un documentaire, prend une autre tournure quand c’est à la maman de s’adresser à la juge, dans un face caméra qui dure de longues minutes. Charlotte Devillers a cependant expliqué avoir fait le choix de créer une fiction pour prendre le temps d’écouter cette mère, ce qui n’est pas possible en réalité lors de ces audiences. Infirmière de formation, elle a été confrontée à de telles affaires dans sa pratique. Elle et Arnaud Dufeys ont également tourné avec de vrai·es avocat·es et se sont documenté·es pour traiter ce thème avec la justesse nécessaire.
Visuellement très épuré, le film laisse néanmoins de la place à l’immense bâtiment en verre du tribunal, parcouru en tous sens par de nombreux d’escaliers, dans lequel la maman et ses enfants semblent parfois se perdre, comme physiquement englué·es dans un système judiciaire qui peine à prendre en charge les violences familiales et conjugales, et à protéger les plus vulnérables d’entre nous. Une réalité qui finit par transpercer l’écran.
Avec Myriem Akheddiou, Laurent Capelluto, Natali Broods. Belgique, 78 minutes.



