Running Man : course perdue pour Glen Powell et Edgar Wright ?
- Adrien Corbeel
- il y a 2 jours
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Glen Powell joue un héros pourchassé de toute part, dans un grand spectacle de science-fiction pseudo politique.

2025 : c’est l’année qu’avait choisi Stephen King pour l’intrigue de son roman dystopique Running Man. La date était alors si lointaine qu’elle permettait à l’écrivain d’imaginer toutes les dérives : surveillance envahissante de l’état, totalitarisme vainqueur, médias dévorés par les pires programmes, dans une Amérique où les plus pauvres n’ont d’autre espoir d’échapper à leur condition que de participer à des jeux ultra-violents. Dont le Running Man, chasse à l’homme où les candidat·es ont 30 jours pour survivre, pourchassé·es par des tueurs d’élite, et susceptibles d’être dénoncé·es par n’importe qui.Il faut reconnaître à King une certaine prescience : entre l’écroulement démocratique de l’Amérique, son président tout droit issu de la télé-réalité, et les inégalités qui se creusent, les États-Unis de 2025 ont pas mal de points communs avec sa vision du futur, donnant à cette adaptation une assez bonne raison d’être. Hélas, cette nouvelle mouture, 38 ans après le film porté par Schwarzenegger, peine à résonner avec notre époque. Cinéaste au talent certain, mais dont la ferveur politique n’a jamais été très marquée, Edgar Wright (Baby Driver, Shaun of the Dead) n’arrive pas à faire palpiter le cœur rebelle de son récit anti-système. Le film a beau étaler les injustices, la colère légitime de son héros, incarné par Glen Powell, n’est jamais la nôtre.

Tout est pourtant fait pour nous le rendre sympathique : mis au ban de la société après avoir dénoncé l’usage de produits toxiques, ce père de famille accepte uniquement de participer au Running Man afin d’acheter des médicaments salvateurs pour sa fille. Un si chic type, qu’il tente même de sauver la vie des assassins ligués contre lui…et c’est peut-être ça le problème. Il a beau être particulièrement irascible (une facette de sa personnalité que Glen Powell joue de manière forcée), il reste droit dans ses bottes, au centre d’un film curieusement manichéen. Il y avait pourtant matière à quelques ambivalences : la société du spectacle, la façon dont le système fait siennes nos rébellions et nous met en compétition, etc. Mais emporté par son personnage héroïque un brin bourrin, le film fonce à travers ses thèmes, incapable d’appréhender ses propres contradictions.
Oui, mais s’amuse-t-on me demanderez-vous ? Pendant un temps, absolument. Fidèle à son désir de donner du plaisir au public, Wright met son savoir-faire au service d’un spectacle engageant, avec quelques beaux morceaux de voltige. Le long-métrage est moins riche en idées que les précédentes réalisations du cinéaste, mais reste plus inventif et ébouriffant que bien des films d’action actuels. L’humour ne fonctionne qu’à moitié : sans son comparse Simon Pegg, le réalisateur parvient parfois à nous faire rire, mais jamais aux éclats. II est plus adepte à créer des figures d’autorités inquiétantes, comme le producteur de télévision incarné par Josh Brolin, que l’acteur prend un plaisir évident à jouer. Dès sa première apparition, il est clair que signer un de ses contrats, c’est pactiser avec le diable.

Si Running Man finit s'essouffler, c’est parce qu’il multiplie les détours inutiles, enlisant le récit dans des sous-intrigues censées approfondir son propos, mais qui en réalité l’abrutissent. Le film est au plus bas lorsqu’il prétend parler politique, témoignant d’une vision du monde juvénile et fort ennuyeuse. Oscillant entre le nihilisme du roman de King et une grande naïveté, le film d’Edgar Wright ressemble à un doigt d’honneur bien inoffensif.
Avec Glen Powell, Josh Brolin, Colman Domingo, Katy O'Brian. États-Unis, Royaume-Uni, 137 minutes.
