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Superman peut-il encore être le héros de demain ?

Superman a été créé à l’origine pour donner l’espoir d’un futur meilleur. Mais cela transparaît-il dans ses adaptations au cinéma ? Éléments de réponse avant la sortie du Superman de James, le 17 juillet.

Superman, de James Gunn
© Warner Bros Belgium

Les super-héros et les super-héroïnes sont des incarnations éminemment politiques. Depuis leurs inventions respectives jusque dans chacune de leurs réinterprétations, sur le papier des comics ou sur grand écran, iels reflètent toujours d’une manière ou d’une autre l’époque qui les voit évoluer et bien sûr les idées de leurs auteur·ices. 


Superman ne fait pas exception. Né de la plume et du crayon de Joe Shuster et Jerry Siegel en 1938, l’Homme de demain a d’abord été une métaphore futuriste du progrès, aussi bien économique que social, censé libérer les États-Unis de la Grande Dépression et de la montée du fascisme.


Le boy-scout et la guerre froide


La première adaptation de Superman au cinéma, par Richard Donner en 1978, va fixer une image canon, équilibre délicat entre le super-héros originel et une personnalité assez inoffensive pour distraire le public américain. Christopher Reeve y interprète un Superman plein de bonnes intentions, quasiment un boyscout. Élevé dans une famille de fermiers du Kansas, il a intégré les valeurs américaines traditionnelles et à vocation à devenir une boussole morale dans un monde secoué par le crime et la Guerre froide. Le film et ses suites, même s’ils essayent régulièrement de montrer Superman au-dessus des querelles entre États, vont couler dans le béton une représentation du super-héros patriote, légitimant l’idée de la domination (bienveillante) des États-Unis sur le globe. Et si un problème émerge ce sera toujours la faute d’élites décadentes ou corrompues. Les trois films suivants, Superman 2, 3 et 4 vont continuer à graviter autour des mêmes thèmes, mettant plus ou moins l’emphase sur sa mission pacificatrice. 

Superman, de Richard Donner - 1978
© Warner Bros Belgium

Dès cette tétralogie, Superman perd son statut d’Homme de demain et de parangon du progrès pour devenir, à l’inverse, un étendard du statu quo et de certaines valeurs conservatrices. Lex Luthor, sa némésis, est décrit comme un génie fou, un peu entrepreneur, un peu inventeur. D’une manière générale, l’intelligence est assimilée à une arme dangereuse, qu’elle serve à détourner un missile nucléaire, à contrôler la météo ou à inventer une réplique maléfique de Superman. La représentation des femmes y est particulièrement datée, entre le cliché de la demoiselle en détresse ou celui de la fourbe traitresse. Et ne parlons pas du « pouvoir » de Superman, capable de faire perdre la mémoire à Lois Lane en l’embrassant… Si la guerre froide et la recherche d’une paix mondiale sont sans doute les problématiques les plus présentes, elles restent tout à fait secondaires dans une série de films beaucoup trop craintive. Le quatrième film, sous-titré en anglais « The Quest for Peace » les appréhende vraiment, mais avec de grandes faiblesses cinématographiques.


Messie ou surhomme ?


Le Superman Returns de Bryan Singer, sorti en 2006, opère une évolution tout en restant enfermé dans l’ombre de ses aînés. Grosse production qui a déçu beaucoup de monde (mais chère à l’auteur de ces lignes), cette tentative de relance de la franchise crie son amour pour l’univers visuel développé à la fin des années 1970. S’il reprend une partie de l’esthétique et de l’intrigue du film de 1978, il présente un Superman (Brandon Routh) plus vieux et plus sage, tout en tissant une métaphore christique particulièrement transparente. Le Kryptonien doit-il souffrir et se sacrifier pour les humains ? Mérite-t-on d’être sauvé·es ? Sympathique long-métrage nostalgique, il ne fait pas beaucoup bouger les lignes et, en embrassant la comparaison religieuse, fait ouvertement de son héros une icône intemporelle… mais aussi un peu poussiéreuse et passéiste.

Superman Returns, de Bryan Singer
© Warner Bros Belgium

Tout le contraire, pourrait-on penser, du Man of Steel (l’Homme d’acier, autre surnom de Superman) de Zack Snyder qui lance en 2013 le premier univers cinématographique de DC pour concurrencer celui de Marvel. Le film opère une transformation esthétique totale : Krypton n’est plus un royaume de cristal à la limite de la fantasy mais une planète de science-fiction ultra avancée (et d’ailleurs un peu lambda) ; l’atmosphère globale est plus sombre et la dimension comique s’envole au profit d’un premier degré un peu trop cérémonieux. Les gimmicks des comics, comme le fameux Clark Kent (avec les lunettes) / Superman (sans les lunettes) sont mis au placard. Il s’agit de raconter une tragédie d’action grandiose et adulte.


Le Superman (Henry Cavill) de Man of Steel et des autres films DC est sans doute une des représentations les plus ambiguës du personnage. Si la question de son statut quasi divin et le parallèle messianique sont toujours bien présents, c’est surtout la super puissance de l’individu qui fascine Snyder. Le fait d’opposer Superman à d’autres super-héros ou de faire de lui un potentiel antagoniste nourrit toujours la question du surhomme. Superman est-il un être parfait, fait pour régner sur l’humanité (même par sa simple présence, en imposant des interdits moraux) ou un mortel (même avec une espérance de vie colossale) se prenant pour un dieu ? Cette richesse thématique dissimule surtout l’approche très nihiliste de Snyder : dans son univers, Superman n’est pas l’Homme de demain mais plutôt l’incarnation de l’incapacité de l’humanité à prendre son destin en main collectivement et à penser un avenir qui rime toujours avec la catastrophe.

Superman, de James Gunn
© Warner Bros Belgium

Quel futur ?

 

Au cinéma, Superman n’a jamais vraiment retrouvé son rôle original : être un phare de progrès qui guiderait la société humaine vers la paix et une certaine idée de l’utopie. Au contraire, il a dû s’acharner contre tous les spectres de notre histoire récente : celui de la Guerre froide, de la crise écologique, des horreurs du XXe siècle… L’itération de James Gunn sera-t-elle empreinte de plus d’optimisme ? Les premières images laissent penser, en tout cas, à un rejet de la formule plus sombre de Snyder, au profit d’un retour à la folie des comics. On peut espérer qu’il saura renouer avec un grand spectacle coloré mais en laissant de côté le moralisme et le patriotisme de la première tétralogie, pour faire de Superman un vrai héros de demain.


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