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Photo du rédacteurAdrien Corbeel

Critique de Drive-Away Dolls

Errance Euphorique


De quoi parle le nouveau film d’Ethan Coen ? Si l’on en croit le réalisateur, “c’est un film qui a à la fois tout à l’esprit, et… rien du tout”. C’est une manière plutôt juste de décrire ce road-movie lesbien, grivois, léger, sanglant et absolument inconséquent. Imbibé de gags potaches, de séquences psychédéliques et de seconds rôles saugrenus, Drive-Away Dolls se présente comme un film de peu d’importance, revendiquant fièrement son héritage de films de séries B. Ce n’est qu’à moitié surprenant : la carrière des frères Coen est jonchée de comédies comme Arizona Junior ou Burn After Reading qui tranchent avec leurs films plus sérieux comme No Country for Old Men ou Inside Llewyn Davis. On n’en reste pas moins étonné de trouver Ethan Coen au volant de ce curieux objet de cinéma, qui réussit l’exploit d’être à la fois son film le plus politiquement engagé, mais aussi le plus vide de sens.


Portant à l’écran un scénario écrit avec Tricia Cooke (son épouse, qui est également co-productrice et co-monteuse du film), le réalisateur, qui est pour la première fois à la réalisation sans son frère Joel, nous propulse en 1999, sur les routes ensoleillées qui vont de Philadelphie à Tallahassee. Sur le chemin : quelques morts, beaucoup d’ennuis et autant de bars lesbiens que possible. C’est Jamie (Margaret Qualley) qui y tient. Volontiers volage et infidèle, elle vit sa sexualité de manière aussi active que possible, à l’inverse de son amie Marian (Geraldine Viswanathan), tout en réserve et pudeur, le nez enfoncé dans les livres d’Henry James. 


Ignorant qu’elles sont au volant d’une voiture au contenu fort convoité, les deux comparses se lancent dans un road-trip à travers l’Amérique, tantôt dans l’univers du crime, tantôt du côté des communautés queers. Sur ce dernier volet, il faut reconnaître au long-métrage une belle capacité à la volupté. Là où tant de films mettent en scène des couples lesbiens pour finalement les condamner à la tragédie, Drive-Away Dolls préfère évoquer les désirs de ses personnages avec joie. Pas le temps pour l’homophobie, vive l’euphorie.


En revanche, et c’est regrettable, l’hilarité n’est pas vraiment au rendez-vous. Le problème n’est pas tant que les gags sont puérils, mais qu’ils sentent fort la naphtaline. En 2024, les supposées transgressions du film paraissent bien inoffensives, plus lassantes que choquantes, le scénario épuisant chacune de ses blagues par de multiples répétitions. À la sixième apparition d’un pénis en plastique, on soupire.


Plus en décontraction qu’en tension, le film traîne son intrigue criminelle comme on traîne un boulet. On s’amuse un peu du curieux duo formé par Joey Slotnick et C.J. Wilson, qui pourchasse tant bien que mal nos deux héroïnes, mais comme tant d’éléments du récit, tout ce qui les entoure semble artificiel et un brin surjoué. Il serait évidemment malhonnête de reprocher à un film aussi absurde son manque de réalisme, mais il faut reconnaître que Drive-Away Dolls manque cruellement de naturel, de l’accent sudiste de Margaret Qualley à la romance qui se dessine entre son personnage et celui de Geraldine Viswanathan.


Devant ce road-trip un peu vain, on cherche tant bien que mal des éléments auxquels s’accrocher : des références de-ci de-là qui ouvrent très légèrement certaines portes, des jeux de montage farfelus, des moments singuliers qui nous rappellent The Big Lebowski et Le Grand Saut. Mais au sortir du film, la conclusion semble claire : on préférerait un Coen moins en roue libre.





RÉALISÉ PAR : ETHAN COEN

AVEC : GERALDINE VISWANATHAN, MARGARET QUALLEY, BEANIE FELDSTEIN, PEDRO PASCAL 

PAYS : ÉTATS-UNIS

DURÉE : 84 MINUTES


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