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Raissa Alingabo Yowali M'bilo

Critique de Il pleut dans la maison

Un film juste et fort sur le lien et l'absence

La Wallonie, le soleil, les vacances et les abords du lac de l’Eau d’Heure. Avec Il pleut dans la maison, Paloma Sermon-Daï signe une première œuvre de fiction lumineuse et touchante d’authenticité, un film juste et fort sur le lien et l’absence.


On avait beaucoup aimé Petit samedi pour toute l’humanité qui s’en dégageait et on la retrouve ici. Dans Il pleut dans la maison, la cinéaste namuroise retrouve un duo de frère et sœur qu’elle avait déjà mis en scène dans son court-métrage Makenzy en 2016


Les deux ont bien grandi, c’est un été ensoleillé et comme un crépuscule de fin de vacances, l’enfance semble tout doucement s’achever aussi. On retrouve Purdey, la sœur aînée à un carrefour de choix : elle a l’avenir devant elle et pourtant, il a tout l’air de déjà se rétrécir. Quant à Makenzy, il tangue entre une forme d’innocence et les premières confrontations à une réalité douce-amère, voire violente : le manque, l’injustice sociale. Ce sont aussi les premières fois où éclatent la honte et le cumul des frustrations.  La sœur et le frère sont élevés par une mère à l’absence bruyante qui mange presque tout l’espace. Elle apparaît au début, furtivement, peut-être pour que sa disparition nous pèse, à nous aussi. Alors que Makenzy s’attache à une illusion et à l’attente, Purdey sent ses épaules s’alourdir du poids des responsabilités.


Jusqu’ici, la réalisatrice belge a toujours pris le parti d’un cinéma social et pourtant, il est loin d’une crudité misérabiliste et pesante, sa plume et sa caméra sont subtiles. Dans cette fiction qui flirte parfois avec le documentaire (les deux interprètes principaux incarnent plus qu’ils ne jouent leur propre rôle, tout en gardant leurs véritables prénoms), la manière de filmer sobrement les choses leur donne toute leur puissance. Rien de trop, tout en justesse et pourtant la violence est bien présente, distillée dans les dialogues. Les mots qu’on utilise erronément (un père chef de banque et non directeur), la politesse condescendante d’un agent immobilier (“si vous voulez nous avons des biens plus petits, non meublés, qui pourraient peut-être mieux convenir”), et ce petit-ami (Amine Hamidou) déjà si loin qui s’apprête à entrer à l’université. Malgré tout, c’est un film lumineux. Il a la légèreté des vacances, de l’amitié et de la jeunesse, comme une porte qui résiste à l’obscurité. 


Frère et sœur dans la vraie vie, Purdey et Makenzy Lombet brillent à l’écran, on y croit et on est touché par cette belle relation presque fusionnelle qui leur sert de bulle protectrice. On retrouve ce même lien indéfectible que dans Makenzy: un binôme où l’on prend soin l’un de l’autre comme on préserve cette maison qui s’effrite, symbole d’un espace familial à tenir malgré tout.


Ce qu’on apprécie le plus, c’est cet hommage à un terreau précis, cet amour de sa région que l’on perçoit chez la cinéaste : les paysages, les accents, le style des gens du coin, l’aspect brute et banal de la vie qui passe. La filmographie de Paloma Sermon-Daï fait jusqu’ici, la part belle à un espace, ses origines et le lien qu’elle entretient avec à travers les différents personnages. 


Elle filme le quotidien de personnes invisibilisées et précaires, avec l’addiction en filigrane, comme la drogue ou l’alcool. Pourtant, ce qui ressort de son œuvre, c’est une sublime dignité qui nous permet de faire face à des histoires, des gens et leurs vécus. C’est efficace par l’empathie que ça suscite sans être forcée.


Paloma Sermon-Daï représente presque un renouveau du cinéma belge francophone, elle y apporte sa touche sensible, d’intelligence et de justesse.




RÉALISÉ PAR : PALOMA SERMON-DAÏ

AVEC : MAKENZY LOMBET, PURDEY LOMBET, DONOVAN NIZET, AMINE HAMIDOU, LOUISE MANTEAU

PAYS : BELGIQUE

DURÉE : 82 MINUTES

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