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Raissa Alingabo Yowali M'bilo

Critique de La Mère de tous les mensonges

Les lambeaux de l'histoire

© Insight Studios

Comment raconter une histoire dont on a effacé les preuves ? Dans le film d’Asmae El Moudir, les meurtres sont sans corps, les morts sans sépulture et les vivants sans photos. Mais pourquoi ce silence ? Rassemblant ses proches et son voisinage dans un atelier où elle a reconstitué son ancien quartier de Casablanca, la réalisatrice tente de conjurer le silence qui scelle les bouches et les mémoires.


Au Maroc, sous le règne d’Hassan II, auront lieu ce qu’on appellera  “les années de plomb”. Le pouvoir du roi est autoritaire, marqué par des disparitions, des morts et la répression féroce d’opposants politiques. La grève du pain de 1981 - un des évènements les plus marquants de cette période -  sera elle aussi écrasée dans le sang : les manifestants appelés à se mobiliser contre la hausse des prix par les syndicats seront violemment réduits au silence. Certains finiront en prison, d’autres, dont des enfants, dans des fosses communes. Tout au long de son film, Asmae établit le lien entre cette tache dans le récit national et l’absence de photos dans la maison. Toutes, ont été brûlées et bannies du toit familial par sa grand-mère autoritaire, Zahra.


El Moudir filme les corps, les visages et leurs plis, les regards et leurs regrets dans l’espoir de libérer la parole et les larmes qui ont été retenues. La violence des témoignages se superpose à la  vulnérabilité perceptible de ceux et celles qui les livrent. Le dispositif de La Mère de tous les mensonges est ingénieux et on ne se lasse pas de contempler le décor : les vivants baladent leur regard et leurs mots entre les murs d’une maquette représentant leur quartier et manipulent les multiples figurines qui les représentent. Des corps ou des objets, on ne sait plus ce qui est le plus vivant. 



RÉALISÉ PAR : ASMAE EL MOUDIR

PAYS : MAROC, EGYPTE, ARABIE SAOUDITE, QATAR

DURÉE : 86 MINUTES



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