
Au sein de la rédaction de Surimpressions, nous étions les premiers déçus en apprenant le report de la sortie de Mickey 17, le nouveau long métrage de Bong Joon-ho. Pour ronger notre os, on s’est dit qu’un petit retour en arrière, aux prémices de l'œuvre d’une des figures majeures de la nouvelle vague coréenne, ne manquerait pas de cohérence...
Sorti en 1994, Incoherence est le film de fin d’études de Bong Joon-ho. De sa deuxième vie d’étudiant, lui qui a d’abord écumé les bancs des amphithéâtres de sociologie avant de rejoindre l'Académie coréenne de cinéma. Ce moyen-métrage d’une trentaine de minutes, est à la croisée de ces deux mondes, sciences sociales et 7e art, qui abondent depuis lors dans les films du cinéaste Parasite en tête. En découle une première œuvre éminemment politique qui insiste sur le fait que “les parasites” ne sont pas ceux que l’on croit…
Au travers de trois scénettes différentes suivies par un épilogue, Incoherence se fait satire cinglante des élites coréennes, et nous rappelle que l'habit ne fait pas le moine. Voilà un professeur de psychologie qui projette ses fantasmes sur ses élèves, laissant son surmoi prendre la direction de ses actions. Un éditorialiste qui fait en sorte de faire accuser quelqu’un de vol, alors que le quiproquo est de sa faute. Ou encore un procureur qui pose sa pêche impunément sur la pelouse d’autrui. Ces trois énergumènes, destructeurs de l’espace public, se révèlent bientôt être des personnalités reconnues, vils moralistes qui écument les plateaux télés pour dénoncer les problèmes de la société… dont ils sont coupables. Hypocrisie quand tu nous tiens.
Bong Joon-ho pose ici les jalons de son cinéma social dans lequel se mêle critique sociétale, humour noire, et piksari. Une œuvre piquante, intelligente, dont on sort sans savoir s’il faut en rire ou en pleurer.
Réalisé par Bong Joon-ho (Corée du Sud, 31 minutes) avec Kim Roe-ha, Yu Yeon-su, Yun Il-ju.