Puisque Halloween approche, nous nous sommes plongés dans nos souvenirs de films les plus cauchemardesques. Terreur et cinéma, en 5 expériences différentes.
Elli Mastorou : Le Projet Blair Witch de Daniel Myrick et Eduardo Sanchez (1999)
J’aimerais pouvoir dire que je l’ai découvert au cinéma, mais à l’époque où il est sorti, j’avais 13 ans et l’accès m’y était interdit. J’ai vu Le Projet Blair Witch quelque temps plus tard, assise sur le canapé de ma meilleure amie, avec mon petit frère à nos pieds. Je me rappelle de ma peur allant crescendo face aux mésaventures de ce groupe d’amis, partis à la recherche d’une vieille légende de sorcières, et qui se retrouvent coincés dans les bois du Maryland. Ça me terrifiait parce que, contrairement à Scream et d’autres teen movies d’horreur façon Souviens-toi... l'été dernier, c’était réaliste. Après tout, se perdre dans les bois la nuit est bien plus probable que de se faire courser par un tueur masqué. Blair Witch a d’ailleurs lancé la mode du found footage, ces films d’horreur à partir de fausses vidéos soi-disant retrouvées… (Cloverfield, [REC], etc.). Souvent imité, Blair Witch premier du nom n’a pour moi jamais été égalé dans le frisson. Cette nuit-là, quand mon petit frère m’a demandé s’il pouvait venir dormir avec moi, je l’ai taquiné, mais j’étais bien contente de ne pas dormir seule, en vrai.
Adrien Corbeel : L'Homme qui voulait savoir de George Sluizer (1988)
Cette diabolique production franco-néerlandaise est sans doute davantage un thriller qu'un film d'horreur. Mais ce que L’Homme qui voulait savoir dit avec une simplicité désarmante de la banalité du mal me hante encore aujourd'hui. Mon estomac se tord rien que d'y penser. Il y a d'abord cette terrible disparition qui survient dans un lieu assez commun : une aire d'autoroute. Dans cet endroit de passage où des milliers de personnes circulent, Saskia, une jeune touriste, se volatilise en un instant. Désemparé, son compagnon Rex fait dans cet espace indifférent à ses inquiétudes l'expérience d'une solitude cauchemardesque. Autour de lui, personne n'a rien vu, personne ne reste. Mais le pire est à venir pour cet homme qui se lance dans une quête obsessionnelle de la vérité. Je n'ai vu qu'une seule fois ce film et je ne ressens pas le besoin de me replonger dans son terrible spectacle. Après tout, l’horreur qu'il évoque vit toujours dans un sombre recoin de mon âme.
Camille Wernaers : Midsommar d’Ari Aster (2018)
Peut-être que c’est parce que j’ai passé toute mon adolescence à regarder les films Saw, ou la tête plongée dans les livres de Stephen King, mais il en faut beaucoup aujourd’hui pour qu’un film m’effraie et ce ne sera sûrement pas à coups de jump scares un peu trop faciles. Pourtant, quand la scène d’introduction de Midsommar s’est terminée, il était clair que j’allais passer 2 heures et demie compliquées. On est loin ici du film d’horreur classique. Si quelques scènes gores ponctuent le récit, c’est surtout la tension psychologique qui s’installe doucement, soutenue par une photographie qui magnifie le paysage pour encore mieux nous troubler, avant le final qui laisse un doute dérangeant : est-ce aussi horrible pour son héroïne que pour nous ? Une chose est sûre en tout cas : dans ce deuxième film, le réalisateur Ari Aster confirme sa capacité à créer des personnages féminins aboutis, après celui interprété par Toni Collette dans Hereditary.
Thibault Scohier : Twin Peaks: Fire Walk with Me de David Lynch (1992)
Innocents et innocentes amatrices de la série Twin Peaks, soyez prévenues : Fire Walk with Me, qui fonctionne comme préquel et raconte l’histoire du point de vue de Laura Palmer, n’est pas du tout dans le même ton, satirique et kitch sur les bords que son œuvre-mère. Cette séance restera l’une de mes expériences les plus traumatisantes dans un cinéma. On sait pourtant où nous allons mais cela participe de la peur, viscérale, de voir l’inévitable se produire. La mort et la souffrance sont inexorables, nous le savons parce que nous avons vu la suite. Et David Lynch excelle dans l’exercice du malaise, à faire souffrir ses personnages pour lesquels nous sommes déjà en pleine empathie. On peut le dire : c’est une longue descente en enfer, sans espoir.
Simon Lionnet : La Guerre des Mondes de Steven Spielberg (2005)
6 juillet 2005, l’ado de 11 ans que je suis se précipite dans les salles obscures pour découvrir le nouveau Spielberg. Tom Cruise, des aliens, des scènes de destruction massive; tout semblait réuni pour contrer la morosité de ce mercredi pluvieux. 2 heures plus tard, le générique défile et je sors de la salle, silencieux, sonné et certainement moins innocent qu’en arrivant. Je pensais assister à un film catastrophe dans l’air du temps, je me suis retrouvé face au blockbuster le plus sombre de son réalisateur. Prenant le contrepied de Rencontres du troisième type ou E.T., La Guerre des Mondes voit l’extra-terrestre comme un envahisseur dont l’unique objectif est de débarrasser la Terre de ses habitants. Spielberg filme cette invasion à hauteur d’homme et n’épargne rien des horreurs rencontrées par ses personnages. Paranoïa, panique générale et destruction se mêlent alors dans un spectacle macabre évoquant les images de l’Holocauste et du 11 septembre. Le tout surplombé par la structure massive et tentaculaire des tripodes (ces vaisseaux qu’utilisent les aliens) dont le bruit me hante toujours 17 ans plus tard.