The Secret Agent : un film policier sous le soleil du Brésil
- Elli Mastorou

- il y a 11 heures
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C’est sur un air de samba que s’ouvre The Secret Agent, devant une station essence située au bord d’une route déserte de la campagne brésilienne en 1977. Tandis que Marcelo entre en scène au volant d’une Coccinelle jaune et se rapproche de la station, la caméra suit le mouvement, dévoilant, à quelques mètres de là, un cadavre gisant au sol, recouvert de cartons. « On a appelé la police, mais avec le carnaval, ils avaient trop à faire… » explique le pompiste à notre héros incrédule. Dès la première scène, tous les éléments qui feront la force du film sont là : film d’époque, thriller policier et comédie sont réunies autour ce cadavre que personne ne vient récupérer. Un mélange des genres qui caractérise bien le cinéma de Kleber Mendonça Filho. Depuis Les Bruits de Recife, le réalisateur brésilien développe une œuvre protéiforme, où présent et passé s’entrechoquent de façon plus ou moins apaisée. La dictature militaire a laissé des traces et des traumas, elle impacte encore les récits – et surtout les non-dits autour de ceux-ci.

Superposant aux histoires vraies des récits fictionnels, The Secret Agent nous propose une narration fragmentée et constellée d’anecdotes. En résulte un film tendu, inquiétant et chaotique comme l’époque elle-même. Truffée de références musicales et cinématographiques, la réalisation épouse la trame narrative pour offrir un récit rythmé et sur le fil : caméra mobile, scènes en contre-plongée, split screen… Les couleurs sont saturées, les costumes sont soignés. Visuellement, le résultat évoque les films policiers du Nouvel Hollywood, quelque part entre Alan J. Pakula et Brian de Palma – mais avec une identité brésilienne bien à lui, dans sa façon de faire coexister la tragédie et la légèreté, le crime et le carnaval, la violence et la sensualité.

Remarqué dans Narcos et plus récemment dans Civil War, Wagner Moura incarne avec une force tranquille cet agent pas-si-secret finalement. Marcelo, dont ce n’est peut-être pas le vrai nom, sera vite repéré et traqué par les hommes de main d’un politicien. Quelles sont les raisons de son retour à Recife ? Qu’adviendra-t-il de lui ? Le film ne referme pas toutes les portes qu’il ouvre, un choix qui, associé à sa durée (2h38 tout de même) laissera sans doute certain·es spectateur·ices sur leur faim. Mais The Secret Agent est aussi stimulant qu’exigeant, une œuvre où le cinéma déborde de chaque plan. Un film sur la mémoire perdue, que la fiction, à sa façon, reconstitue.
Avec Wagner Moura, Carlos Francisco, Tânia Maria, Robério Diógenes. Brésil, 158 minutes.



