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Julie Keeps Quiet : Un cri muet et assourdissant

Photo du rédacteur: Kévin GiraudKévin Giraud
Julie keeps quiet
© Paradiso films

Parler, ou se taire ? Depuis #MeToo, nombreuses sont les voix qui se sont élevées pour enjoindre à la libération des paroles, parfois même faisant fi de l’avis des victimes. Comment dès lors amener celles ou ceux qui ont été les victimes ou les témoins de ces actes à s’ouvrir, lorsque leur armure silencieuse semble être définitivement close ? Peut-être simplement en acceptant et en s’ouvrant à ce silence.


Avec Julie Keeps Quiet, ou Julie Zwijgt en néerlandais le cinéaste belge Leonardo Van Dijl choisit l’écoute, confirmant au passage son talent pour mettre à l’écran les récits de protagonistes se réappropriant leur histoire, comme c’était déjà le cas dans son court-métrage Stéphanie, présenté à Cannes il y a quatre ans.

Julie keeps quiet, de Leonardo Van Dijl
© Paradiso films

Coécrit avec la comédienne, réalisatrice et scénariste Ruth Becquart, Julie est un film de peu de mots, un récit de silences habité d’une présence floue et menaçante. Une ombre qui prend corps dès les premiers instants, sans pour autant réussir à briser la puissance tranquille de son personnage principal. En suivant cette adolescente entre sport et études, entre camaraderies et moments solitaires, Leonardo Van Dijl brosse le portrait d’une jeunesse face à un monde d’adultes briseurs de confiance. 


Dans ce récit aux airs de tragédie antique, Tessa Van den Broeck incarne une force bouillonnante et insondable. Athlète déjà, comédienne désormais, elle envahit l’écran avec ce premier rôle et communique par son jeu retenu et subtil toute la profondeur des questionnements du personnage de Julie. Une protagoniste aux limites de l’adolescence mais déjà bien plus adulte que certains, une jeune femme assaillie mais qui résiste, restant toujours maître de son récit et de son destin, choisissant elle-même ses moments d’ouverture et ses moments de silence. Il se dégage une puissante énergie, une aura impressionnante de ce personnage aux épaules basses et au visage fermé, qui ne s’ouvre que rarement mais réussit tout de même à nous faire vivre toutes ses réflexions par son silence. Dans ce corps tout en tension, Julie est Tessa autant que Tessa est Julie, une jeune femme sportive dans un monde de dépassement de soi où les limites peuvent se brouiller jusqu’à l’impensable. 

Julie keeps quiet, de Leonardo Van Dijl
© Paradiso films

Julie tait, mais fait taire aussi. Celles et ceux qui souhaiteraient mettre d’autres mots dans sa bouche que les siens, qui cherchent à décrire pour elle des émotions qu’elle analyse et découvre au fur et à mesure de son histoire. Jusqu’à faire taire elle-même son ancien coach, celui en qui elle croyait pouvoir avoir confiance et qui se retrouve aujourd’hui accusé de harcèlement envers ses élèves. Un rôle incarné de manière terrifiante par Laurent Caron, dont la voix suave et douce s’insinue pernicieusement dans le film au travers des échanges téléphoniques qu’il poursuit avec Julie. Un personnage ambigu, finement tissé par le duo Van Dijl-Becquart, jusqu’à ce que les masques tombent au travers du regard de Julie elle-même.


Sa confiance, Julie l’accorde et la reprend à sa guise, que ce soit vis-à-vis des adultes qui l’entourent ou vis-à-vis de ses ami·es, tour à tour pression et soutien. Mais dans ce film qui se veut tourné vers l’avant et le futur, Julie saisit aussi petit à petit les moments de bonheur et d’ouverture que peuvent lui offrir les personnes bienveillantes qui l’entourent. Sans pour autant remettre en cause ce qu’elle et ses camarades ont pu vivre, Julie fait le choix de la guérison et panse ses blessures, seule et avec les autres qui choisissent de comprendre et de respecter son silence. Un silence qui résonne aujourd’hui comme un cri, muet et assourdissant à la fois.



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