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L'Engloutie : un film mystique, contemplatif et envoûtant

© Lumière
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Pour son premier long-métrage, la cinéaste française Louise Hémon collabore avec Anaïs Tellenne (L'homme d'argile) et puise dans les légendes de son histoire familiale. Dans L’Engloutie, Aimée, jeune institutrice, rejoint le hameau isolé de Soudain pour y enseigner le temps d'un hiver à une poignée d'enfants. Entourée par une montagne glaciale et par des habitants méfiants, elle voit peu à peu sa mission républicaine se déliter, alors que les hommes du village disparaissent mystérieusement.


Dès les premières minutes du film, sa proposition esthétique est claire. Le travail sur la lumière et le son installe une atmosphère mystique qui s'épaissit jusqu'à faire basculer le récit dans le fantastique. Filmant la montagne comme un personnage à part entière, la réalisatrice la rend tantôt séduisante et familière, tantôt menaçante et étrange. Cette dichotomie, répétée dans chaque aspect du long-métrage, soutient la narration tel un refrain, mais la lenteur et à la longueur de certaines séquences créent parfois plus d'ennui que de tension. 


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Pourtant, cette lenteur contemplative n'est pas vaine : elle participe à la mise en place du mystère qui enveloppe Aimée, appelée “La Maestra” par ses élèves. Autour d'elle se cristallisent les superstitions et les fantasmes refoulés de la population locale. Sa beauté et sa liberté sont peu à peu perçues comme une malédiction. D'abord victime de son environnement - contrainte par exemple de garder sur son toit un cercueil en attendant le dégel - Aimée se métamorphose au fil du récit. Lorsqu'un homme du village l'aide à clouter ses chaussures, que les enfants commencent à la respecter puis qu'un jeune garçon de son âge disparaît après une nuit à ses côtés, la Maestra se transforme en sorcière.


Notre regard sur l'héroïne évolue en parallèle de celui des montagnards. La figurine de Marianne en bois, symbole de la République française, se brise par accident et entérine la mutation d'Aimée de femme savante à figure païenne. Le parcours initiatique d'Aimée rappelle un peu celui de Dani, de jeune femme traumatisée à Reine de Mai dans le Midsommar d'Ari Aster. 


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Cette mutation est suggérée tout au long du film par la représentation du désir féminin, motif central de L’Engloutie. Le plaisir, d’abord solitaire puis partagé, se manifeste de plus en plus dans la mise en scène. La chaleur du feu, de la bougie, de l’eau du bain et de la fièvre résonne avec le désir d’Aimée. Louise Hémon traite le désir féminin en érotisant les corps masculins et les éléments naturels avec une rare finesse, et rappelle en même temps la puissance du "female gaze" au cinéma


L'Engloutie est une fresque visuelle à l'esthétique parfaitement maîtrisée où chaque plan traduit une intention précise – ce qui lui a permis de faire sensation à la dernière Quinzaine des réalisateurs à Cannes. Mais la succession de tableaux et d'ornements finissent par nous éloigner du récit. À la manière d'un songe, le film envoûte et nous laisse incertains de ce qu'on en retient. 



Avec Galatea Bellugi, Matthieu Lucci, Samuel Kircher, Oscar Pons. France, 98 minutes. 

 



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