Muganga, celui qui soigne : un récit percutant
- Quentin Moyon
- il y a 1 jour
- 2 min de lecture

C’est en 2011, lors de la remise du prix Roi Baudouin au Dr. Denis Mukwege, que débute le film Muganga, celui qui soigne. Bientôt, le discours entonné par le docteur sur les violences sexuelles subies par les femmes en République Démocratique du Congo, met un terme à l’ambiance joviale de la cérémonie et donne le ton.
Dans ce deuxième long-métrage, la réalisatrice Marie-Hélène Roux aborde sans détours les viols de masse utilisés comme arme de guerre en RDC. Face à cette violence, c’est dans son hôpital de Panzi que Denis Mukwege a pris en charge les 1100 femmes violées par jour, par des bourreaux aux visages multiples. Des hommes issus de groupes armés et milices locales qui pour assurer l’exploitation des mines de cobalt, font de leur membre phallique l’instrument de la peur. En contrepoint à ces horreurs, le récit, bien rythmé, offre des respirations salutaires grâce à des acteurs convaincants, avec en tête Isaach de Bankolé en Mukwege à la gravité digne, et Vincent Macaigne en chirurgien belge naïf mais combatif.

Enfin et malgré de bonnes idées - comme cette ouverture choquante sur des femmes blanches violées, qui permet au film d'interroger le regard à géométrie variable du public, selon la couleur de peau des victimes(1) -, quelques faiblesses d’écriture persistent. Si le scénario fait le choix de remplacer le fils de Denis Mukwege par une fille, afin d’apporter un « regard féminin », on regrettera que ce personnage renforce paradoxalement un certain paternalisme, les femmes du récit étant souvent renvoyées à leur fragilité. De plus, le film tend à limiter la renaissance des survivantes au seul travail de « Papa Mukwege » et du « marabout blanc », faisant de leur volonté propre une dimension secondaire à leur guérison. Le film n’en demeure pas moins une œuvre percutante, nécessaire et très universelle, qui se clôture avec justesse sur une ébauche de solution : et si on éduquait les hommes ?
Avec Isaach De Bankolé, Vincent Macaigne, Babetida Sadjo. Belgique/France, 105 minutes.
(1) La journaliste Djia Mambu le note bien dans sa critique du film pour cinergie.be



