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Rétrospective Kurosawa à la Cinematek : 5 films à voir

La Cinematek propose, depuis fin septembre, une rétrospective autour du réalisateur Akira Kurosawa. L’occasion de découvrir, sur grand écran, des œuvres souvent considérées comme parmi les plus importantes du cinéma japonais. Petite sélection de 5 films à voir ce mois-ci :


Le 4 octobre – Les Sept Samouraïs (1954)



Peut-être le plus connu des longs-métrages de Kurosawa : un village menacé par des bandits cherche des samouraïs pour se défendre ; les villageois sont pauvres et la plupart des guerriers les méprisent mais un groupe de sept hommes finit par se former. Classique des classiques des films de sabre (ou chambara), Les Sept Samouraïs se dissocie d’autres œuvres mythiques, comme La légende de Mushashi de Hiroshi Inagaki, par une vision plus proche de l’existentialisme que du bushido, c’est-à-dire le code d’honneur des guerriers traditionnels. Les samouraïs, qui apprennent aux villageois à se défendre eux-mêmes, incarnent une forme de justice universelle rare dans un Japon féodal divisé en castes rigides. Le film a aussi une très grande influence sur le cinéma de genre américain et en particulier celui du western.


Le 8 octobre – Le Château de l’araignée (1957)



Pour son adaptation du Macbeth de William Shakespeare dans le contexte du Japon médiéval, Kurosawa signe un film envoûtant et fatal. Comme dans la pièce d’origine, deux généraux victorieux rencontrent une créature surnaturelle qui leur annonce que l’un régnera mais que ce sont les descendants du second qui lui succéderont. Toute l’ambiguïté est ainsi posée : la prophétie serait-elle réalisée si elle n’avait pas été énoncée ? Washizu bâtit-il sa propre perte en essayant d’éviter un destin présenté comme inexorable ? La composition des images proposée par Kurosawa, précise et presque maniériste, rend compte des rapports de pouvoir des différents protagonistes et s’appuie en particulier sur le jeu de Toshirō Mifune, acteur fétiche du réalisateur. En ancrant son histoire dans les codes historiques japonais, Le Château de l’araignée évite de singer l’œuvre originale et en propose une vraie réinterprétation.


Le 18 octobre – Entre le ciel et l’enfer (1963)



Un enfant est enlevé, le mauvais enfant. Les ravisseurs visaient en effet le fils du riche Gondo mais ont kidnappé celui de son chauffeur. Dilemme moral posé pour ce patron en devenir : doit-il payer la rançon au risque de se ruiner ? Grand film policier, proche du thriller, le long-métrage est composé de trois tableaux dans lesquels se déploient et s’agitent les protagonistes : la maison de Gondo lors de l’enlèvement, hors-champ ; le commissariat, l’enquête policière et un passage en train mémorable ; et enfin les bas-quartiers et le point de vue du criminel. On retrouve ici un thème cher à Kurosawa, celui de l’humanisme, de ses limites et de l’origine du mal. Si le film peut être regardé comme un fable purement morale, où Gondo symbolise une certaine idée de la dignité, il montre aussi que les motifs criminels sont parfois issus de l’hypocrisie la plus crasse de la belle société.


Le 23 octobre – Barberousse (1965)



Moins connu que beaucoup d’autres œuvres du réalisateur, ce film pourrait bien être le couronnement de son art. Au XIXe siècle, un jeune docteur de bonne famille débarque dans une clinique pour indigents. Perclu de préjugés, il doute d’abord de l’aura qu’on prête au responsable, le docteur Kyojō Niide ; mais il se rend vite compte qu’au-delà de la médecine, c’est une sorte de philosophie et de foi en l’humain qui anime le lieu grâce à celui qu’on surnomme Barberousse. On retrouve ici un condensé des thèmes (la réflexion existentialiste, une certaine tendresse pour les milieux populaires, la relation de maître à disciple) et surtout des formes narratives de Kurosawa (l’incursion d’une histoire dans l’histoire, un passage proche du chambara, une composition parfois stricte mais qui magnifie des situations ordinaires). Toshirō Mifune (encore !) personnifie une sorte de projection de Kurosawa lui-même, passeur entre deux époques, celle des traditions et celle de la modernité, ici médicale, et l’espoir qu’il a de voir se perpétuer une pensée juste malgré la toxicité du pouvoir.


Le 30 octobre – Kagemusha, l’ombre du guerrier (1980)



Il constitue avec Ran l’une des dernières grandes fresques épiques du réalisateur. En plein Japon médiéval, le seigneur Takeda Shingen qui est sur le point de s’emparer de la capitale, reçoit une blessure mortelle ; il enjoint à ses lieutenants de dissimuler sa mort un temps et de lui trouver une doublure, ce qui sera fait en la personne d’un voleur inconnu. Kagemusha (l’ombre/le double) se révèle petit à petit un certain talent pour imiter Shingen au point qu’on finit par douter de sa véritable identité. Est-il possédé par l’esprit du mort ? Kurosawa excelle ici dans la mise en scène à la fois épique et poétique, la composition épouse l’évolution du personnage central et les couleurs frappantes, notamment le rouge, illustrent une immense fable tragique sur l’honneur tragique et la réalisation de l’individu.


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