Train Dreams : Le western poignant qui fascine la critique
- Julien Del Percio

- il y a 4 heures
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D’Il était une fois dans l’Ouest au récent The Revenant, en passant par Jeremiah Johnson, le western a toujours été un genre privilégié pour décrire la lutte de l’homme moderne face à la nature sauvage. Train Dreams, dont le titre se réfère au gargantuesque chemin de fer que le héros alimente en tranchant le bois, s’inscrit dans cette tradition. Toutefois, l’angle d’attaque choisi par Clint Bentley est plus microcosmique qu’à l’accoutumée : il n’est pas ici question d’aborder de grandes destinées ou des faits d’armes légendaires, mais de se concentrer sur la vie d’un anonyme, d’un témoin, en creux de la Grande Histoire et de ses bouleversements.
Dans ce coin reculé de l’Idaho, Robert Grainier aspire à un bonheur simple, en harmonie avec cette nature séculaire qui l’a vu grandir : un chalet, une famille, et assez d’argent pour aborder l’avenir avec sérénité. Dans un premier temps, le film s’attache à décrire cette routine comme une image d’Épinal, quitter à s’abandonner à un certain nombre d’automatismes esthétiques - le violon et le piano accompagnent chaque scène, la voix-off envahissante s’apparente à un renvoi dispensable à l’oeuvre littéraire. On craint d’abord d’être en face d’un objet trop satisfait de sa joliesse, comme le cinéma indépendant étasunien en délivre chaque année.

C’est lorsque Robert quitte les siens que Train Dreams gagne en épaisseur. Là-bas, dans les tréfonds de la forêt où il coupe le bois avec tant d’autres, la violence se dévoile. On jette un homme du haut d’un pont sans raison apparente, si ce n’est par racisme. Un quidam est abattu en plein jour pour une sombre histoire de vendetta. Mais surtout, la nature elle-même, meurtrie par tant de lacérations, se réveille. Les drames s’accumulent : un tronc coupé roule du mauvais côté, un amas de branchages s’écrase sur un vieil homme, un vaste incendie embrase la plaine. Sous la lueur rougeoyante des feux de camp, les discussions se teintent d’une forme de mysticisme. À cet instant, les cadres au format carré de Clint Bentley prennent une autre ampleur : la verticalité travaille les rapports d’échelle et insiste sur la hauteur des pins et des cèdres, et renvoie l’homme à la petitesse de son existence. Joel Edgerton, avec son air hagard et sa lourde carcasse, traduit bien le sentiment de stupeur ressenti par son personnage, alors qu’un horrible drame le condamne à une posture de témoin impuissant.
Dans sa deuxième partie, Train Dreams s’approche presque des écrits de Jean Giono. On y retrouve la même absurdité cruelle, la même angoisse vertigineuse à l’égard d’un territoire qui semble imposer son impénétrable loi. La mélancolie dévore le récit : autour de Robert, les années passent. La tronçonneuse supplante la hache. La voiture remplace le train. La conquête de l’Espace repousse les horizons. À rebours de cette course au progrès pour laquelle il a pourtant œuvré, Robert cherche désespérément sa place, aussi infime soit-elle.
Avec Joel Edgerton, Felicity Jones, William H. Macy. 102 minutes. À voir sur Netflix.



