Cannes 2025 : Jeunes mères, le nouveau sujet des Dardenne
- Adrien Corbeel
- il y a 5 jours
- 2 min de lecture

Un titre, et le programme est déjà annoncé. Fidèles à leurs habitudes, les frères Dardenne ont choisi de nommer leur nouveau long-métrage avec le plus de simplicité possible : Jeunes mères. Efficace, direct, pas d’erreur possible. Dans ce film à la structure chorale, il est effectivement question de jeunes femmes, mères ou sur le point de le devenir. Elles sont au nombre de quatre, résidentes dans un centre adapté à leurs besoins et à ceux de leur enfant, avec du personnel pour les encadrer et les accompagner. Il y a celle qui sort de la drogue, mais peut compter sur le soutien du père pour fonder une famille. Celle dont le copain n'est pas fiable pour un sou. Celle qui souhaite faire adopter son enfant. Et celle qui n’a jamais connu sa famille, et désire ardemment combler ce vide affectif.
Des portraits forts, interprétés avec beaucoup de justesse par des actrices débutantes. Même si quelques têtes bien connues traînent toujours dans les parages, comme Fabrizio Rongione et India Hair, les Dardenne ont privilégié ici des interprètes novices, comme ils l'avaient fait avec Tori et Lokita - un choix plutôt probant. On regarde ces jeunes mères comme elles sont, sans projeter sur elles d’autres rôles que les actrices ont pu jouer.

Refusant de centrer le film sur l’une d’entre elles, le film alterne sans cesse entre ses différentes protagonistes, croisant dans son montage leur récit respectif, suivant tantôt l’une, tantôt l’autre. Mais le passage d’un récit à l’autre paraît souvent fort arbitraire, et même contre-intuitif. Il arrive fréquemment au film de laisser de côté un de ses personnages, parfois dans des situations d’urgence, et de le faire réapparaître une vingtaine de minutes plus tard, sans que l’on saisisse vraiment pourquoi, si ce n’est la nécessité de faire avancer les différentes intrigues.
Mais ce qui gêne surtout dans cette alternance de personnages et sa nature pseudo-exhaustive : on sent dans l’écriture et le montage une volonté de couvrir d’évoquer le sujet de la manière la plus complète qui soit, abordant le plus de facettes possibles de ces maternités compliquées. Là où d’autres films des Dardenne parvenaient à faire vivre leurs personnages au-delà des questions de société qui les entouraient, Jeunes mères échoue à ce dépassement : c’est un film à sujet, dont les personnages illustrent le sujet.

Le film souffre aussi quelque peu de l’approche ultra-réaliste du duo. C’est le problème des œuvres qui cherchent l’authenticité à tout prix : un seul faux pas peut briser toutes nos illusions. Jeunes mères contient plusieurs de ces scènes pas tout à fait crédibles, qui semblent davantage dictées par une logique scénaristique. On pense notamment à ce moment fort dramatique où l’une des mères en devenir perd les eaux, comme seules le font les mères au cinéma.
Il est peut-être injuste de tenir rigueur aux frères Dardenne de ces imperfections. Chez d’autres cinéastes, les qualités de leur cinéma (la nuance, l’intensité, l’humanité absolue) nous frapperaient sans doute davantage. Mais sachant de quoi le duo a été capable par le passé, il est difficile de ne pas être déçu par ce Jeunes mères, qui à trop vouloir couvrir son sujet n’arrive pas à atteindre son cœur.