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Critique : L'Origine du Mal de Sébastien Marnier

Jeu de dupes

© Paradiso

Il n'est pas évident de parler de L'Origine du Mal sans révéler les saisissantes surprises cachées en son âme vicieuse. Pour ne pas gâcher ce film délicieusement imprévisible, contentons nous de l'essentiel, c'est-à-dire son point de départ : Stéphane, ouvrière dans une usine de poissons, ose enfin contacter George. Mais leur rencontre ne l'encourage guère à le tutoyer, et encore moins à l'appeler papa. Il faut dire que ce patriarche manipulateur et distant a l'art de vous mettre mal à l'aise. Et le reste de sa famille semble encore plus hostile, gouvernante comprise.


Invitée dans leur luxueuse villa en bord de mer, Stéphane et ses odeurs d'anchois ne sont pas à leur place. Ça grince, ça lance des piques, ça mord autour d'elle. Jouant de notre inconfort avec minutie, le réalisateur Sébastien Marnier pousse le vice jusqu'à diviser l'écran en plusieurs parties, pour mieux scruter le mépris sur les visages de chacun. La gêne est telle qu'on se demande si on va supporter tant de coups bas, mais on prend goût à ce spectacle cruel et enivrant, qui passe dans une même scène de la comédie sociale au thriller sournois. Opérant ces changements de ton avec une aisance déconcertante, le cinéaste s'amuse comme seule une personne en pleine maîtrise de son art peut le faire. Des décors débordants de signes de richesse aux répliques acidulées, des tics de montage aux mouvements tape-à-l’oeil de la caméra, L'Origine du Mal transforme ses excès en plaisir cinématographique. Dans ce théâtre grandiloquent, les interprètes s'y donnent à cœur joie, Jacques Weber (détestable et terrifiant) comme Laure Calamy (toute en spontanéité et enthousiasme).


Cette démonstration talentueuse et cynique pourrait sembler vaine, mais le trouble que sème le film va au-delà du sensationnel. Rien n'est simple dans cet explosif méli-mélo familial peuplé de personnages tantôt repoussants tantôt attachants. Chaque retournement dans la lutte des classes, de genres et des sexualités qui se livrent entre eux soulève une série de questions déstabilisantes, et parfois émouvantes. C'est peut-être la plus saisissante surprise du film : alors qu'il déborde d'arsenic, L'Origine du Mal se permet aussi d'être déchirant. Quel luxe.




RÉALISÉ PAR : SÉBASTIEN MARNIER

AVEC : LAURE CALAMY, DORIA TILLIER, DOMINIQUE BLANC ET JACQUES WEBER

PAYS : FRANCE

DURÉE : 121 MINUTES

SORTIE : LE 12 OCTOBRE



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